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rope, deux grands marchés de capitaux où peuvent se liquider tous les engagemens commerciaux, Londres et Paris. Quand c’est la France qui, par ses relations avec le dehors, se trouve avoir la balance du commerce contre elle, quels que soient les pays vis-à-vis desquels elle est débitrice, la balance doit en général se régler à Londres; c’est à Londres qu’il faut envoyer la différence en espèces, et c’est sur Londres que se traduit le change défavorable. Quand les deux pays, la France et l’Angleterre, se trouvent, débiteurs l’un et l’autre, comme cela s’est présenté en 1857 et 1864, c’est encore à Londres que viennent se liquider les engagemens, parce qu’après tout c’est Londres qui est le marché le plus important, qui a le plus de relations avec le dehors, et qui peut le mieux acquitter des créances sur tous les points du monde.

C’est donc à Londres que nous avions en 1857 et en 1864 à payer la différence en numéraire résultant de l’exagération de nos affaires, et de nos acquisitions de denrées de première nécessité. Et en effet, si l’on interroge l’état du change à ces deux époques au moment de la crise, on voit qu’il était à 25, 30 et 35 en octobre 1857 et en novembre 1864. Aussi notre argent s’en allait-il à Londres avec une grande rapidité et en grande abondance, et la preuve en est que l’encaisse de la Banque de France était descendu, au mois de novembre 1857, à 182 millions, et à 151 millions au 18 janvier 1864. Si à ce moment, lorsque nos voisins élevaient le taux de leur escompte pour augmenter leurs ressources, nous étions restés indifférens à cette élévation, comme on nous le conseillait, nos espèces se seraient en allées encore beaucoup plus vite, puisqu’à l’influence du change, qui déjà suffisait pour les entraîner au dehors, on y aurait joint une différence d’intérêt, et la moindre différence, une de 2 pour 100, eût suffi. La solidarité entre les deux banques était donc bien réelle et bien étroite, et la Banque de France avait raison de s’en préoccuper en élevant le taux de son escompte à peu près au niveau de celui de la Banque d’Angleterre.

La situation n’a pas été du tout la même cette année. Pendant que l’Angleterre luttait contre des embarras de crédit à l’intérieur, qu’elle avait à payer des différences au dehors, et qu’elle voyait baisser chaque jour ses ressources disponibles, les nôtres augmentaient dans des proportions considérables; l’encaisse, de la Banque de France était, au 17 mai 1866, de 513 millions contre une circulation fiduciaire de 884 millions et des engagemens de toute nature ne dépassant guère 1,200 millions. Nous regorgions de capitaux, et de semaine en semaine il y avait augmentation[1]. Cette abon-

  1. L’encaisse était de 640 millions à la fin de juin, et de 746 millions au commencement de septembre.