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aux difficultés inhérentes à ce dernier genre de crédit. Il s’est produit ce fait remarquable dans l’histoire de la dernière crise en Angleterre, que pendant un certain temps personne n’a plus voulu de chèques, même sur les meilleures maisons, et qu’il a fallu les remplacer par une extension de la circulation fiduciaire, ce qui a rendu encore plus gênante la limite posée par l’act de 1844. La perte totale occasionnée par la dernière crise n’a peut-être pas dépassé 1 milliard, et encore a-t-elle été subie presque en entier par les actionnaires des sociétés qui ont fait faillite, car les créanciers ont été à peu près désintéressés. Or une perte de 1 milliard dans un pays qui fait, dit-on, 3 milliards d’économie par an n’était pas de nature à entraîner une crise comme celle qui a désolé l’Angleterre, si les fonds avaient été placés directement par leurs propriétaires dans de mauvaises affaires et perdus par eux, ainsi que cela s’est présenté chez nous dernièrement pour beaucoup d’entreprises étrangères que nous sommes allés commanditer. Ce qui a compliqué et aggravé la situation, c’est que le milliard perdu l’a été par des établissemens financiers qui en restaient débiteurs et qui n’ont pas pu le rendre, comme ils s’y étaient engagés. Ils ont vu leur crédit ruiné du jour au lendemain. La perte était d’un milliard, mais le crédit ébranlé par ce fait s’élevait à plusieurs; de là l’origine de la panique et la catastrophe qui a frappé l’Angleterre, une des plus douloureuses qui aient affligé ce pays.

Cette crise doit servir de leçon à ceux qui s’imaginent que les sociétés de crédit et de finance sont faites pour commanditer l’industrie et organiser des entreprises par actions. Quand elles se livrent à ce genre d’opérations avec un capital qui excède celui qui leur appartient en propre, c’est-à-dire supérieur à leur actif social, elles s’exposent aux plus grands périls et sont à la merci de la moindre difficulté financière. La difficulté financière pour l’Angleterre cette année a été l’obligation où elle s’est trouvée de payer à bref délai une somme de 7 à 800 millions pour l’acquisition de denrées de première nécessité, et de les payer avec un stock métallique très faible, et avec un régime de banque qui impose des restrictions sévères à la circulation fiduciaire. Le fond de la crise était une question de crédit, mais la cause déterminante a été un commerce trop engagé sur certains points. S’il n’en avait pas été ainsi, si la crise était née purement et simplement des affaires de crédit, sans rien devoir au commerce, le change n’aurait pas été aussi longtemps défavorable; il n’aurait pas fallu trois mois d’escompte à 10 pour 100 pour rétablir l’équilibre.

Je sais bien que cette persistance de la part de la Banque d’Angleterre à maintenir si longtemps le taux de l’escompte à 10 pour 100