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d’Angleterre; car cet écart ne dût-il entraîner au dehors que 200 millions, ce serait beaucoup trop.

Il est au contraire d’autres situations où, pour divers motifs, les besoins n’étant pas les mêmes, on peut laisser subsister un écart même de plus de 2 pour 100 sans inconvénient aucun. Nous avons traversé cette année une de ces situations; l’Angleterre s’est trouvée en face de besoins exceptionnels qui n’avaient aucun rapport avec ceux des autres pays et notamment avec ceux de la France. Nous avons parlé de ces nombreuses sociétés de finance et de crédit qui s’étaient organisées, en 1863 et 64 au capital de 5 à 6 milliards, avec un versement effectif de 1 milliard. Toutes ces sociétés, à l’œuvre au commencement de l’année 1866, ont dû, pour utiliser leur capital social et les dépôts plus ou moins considérables qui leur étaient confiés à gros intérêt, créer des entreprises de toute nature et donner à l’esprit de spéculation une excitation toute particulière ; ce sont elles notamment qui ont enfanté ces mille projets de chemins de fer devant absorber 175 millions de livres sterling, au dire de lord Northcote, et qui ont été votés en 1865 par le parlement. La situation a pu être masquée pendant un certain temps par l’immense crédit dont jouit l’Angleterre, par l’énormité des capitaux dont elle dispose; mais lorsqu’à cette situation déjà mauvaise sont venues se joindre d’autres nécessités, que l’Angleterre a eu à faire des acquisitions plus considérables qu’à l’ordinaire en coton, en céréales et même en bestiaux pour remplacer ceux qu’une cruelle épizootie lui enlevait, qu’elle a dû par suite envoyer au dehors des différences en métaux précieux, la situation est devenue critique. On a demandé à la Banque d’Angleterre les métaux précieux dont on avait besoin, ce qui, aux termes de l’act de 1844, a fait baisser la réserve en billets, et comme cette réserve est l’arche sainte, la dernière ressource dont on puisse disposer dans les momens extrêmes, il se répandit immédiatement un sentiment d’inquiétude, on courut aux banques redemander les dépôts qui leur avaient été confiés. Les unes purent faire face aux demandes, d’autres, des plus considérables, ne le purent pas et firent faillite; toutes réclamèrent l’assistance de la Banque d’Angleterre, et celle-ci fut obligée d’élever précipitamment le taux de son escompte à 10 pour 100 et de s’affranchir encore une fois des limites de l’act de 1844.

On a dit que la crise violente qui eut lieu alors en Angleterre était une crise de crédit purement et simplement, que le commerce y était complètement étranger; cela n’est pas tout à fait exact. Quand on veut juger de l’influence exercée par le commerce sur les ressources disponibles d’un pays, il ne faut pas seulement con-