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elle remplissait le tonneau des Danaïdes, l’encaisse pouvait à peine se maintenir, l’argent s’en allait plus vite qu’il n’était venu, et comme ces palliatifs n’avaient pour effet que de dissimuler la situation, le mal s’aggravait, et un beau jour on se trouvait avec moins d’espèces que si on n’avait rien fait du tout pour s’en procurer artificiellement.

La Banque d’Angleterre vient de donner cette année un exemple qui prouve l’intelligence de ses directeurs, et il faut ajouter aussi celle du pays. Au moment où la crise était le plus intense, où l’argent était à 10 pour 100 chez nos voisins pendant qu’il était à 4 pour 100 chez nous, nous lui avons offert, dit-on, de lui procurer à des conditions fort avantageuses une somme en numéraire plus ou moins considérable ; elle a refusé. Elle a compris que le soulagement qui en résulterait ne serait que momentané et qu’il ne ferait qu’aggraver le mal, elle a préféré devoir l’amélioration de sa situation aux lois ordinaires du change, en maintenant pendant trois mois le taux de l’escompte à 10 pour 100. Pendant ce temps en effet, les mauvaises affaires se sont liquidées, ce qu’il y avait d’excessif dans les entreprises industrielles ou commerciales a été retranché. Les importations se sont un peu ralenties, les exportations ont augmenté, et le change a fini par se rétablir à des conditions tellement favorables que, dans l’espace d’un mois, l’Angleterre a pu redescendre du taux de 10 pour 100 à celui de 5 pour 100 ; elle est aujourd’hui à 4 pour 100. Maintenant cette solidarité financière qui oblige la Banque de France et celle d’Angleterre à se régler l’une sur l’autre, à élever ensemble le taux de leur escompte, existe-t-elle à tous les momens, ou plutôt y a-t-il toujours lieu de s’en préoccuper ? C’est la dernière question qui nous reste à examiner.


III.

La solidarité existe lorsque les deux pays éprouvent les mêmes embarras, qu’ils ont l’un et l’autre excédé la limite de leurs ressources disponibles, abusé du crédit, et qu’ils n’ont plus assez d’espèces monétaires pour leurs besoins. Dans ce cas, et c’est le plus fréquent, par suite des relations commerciales qui unissent la France et l’Angleterre, comme il n’y a dans aucun des deux pays un excédant de numéraire qu’on puisse se prêter l’un à l’autre, et qu’il s’agit au contraire d’entamer des réserves qui ont une affectation spéciale comme garantie du remboursement de la circulation fiduciaire et des dépôts, il serait, je le répète, très imprudent de laisser subsister un écart même de 2 pour 100 entre le taux de l’intérêt de la Banque de France et celui de la Banque