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quelles que fussent les circonstances. Ainsi, lors de la dernière crise, la Banque d’Angleterre avait été autorisée à s’affranchir de l’act à la condition de maintenir le taux de l’escompte à 10 pour 100; elle l’y maintint longtemps en effet, bien qu’elle n’usât pas de la faculté qui lui avait été accordée, parce qu’elle craignait à chaque instant d’être obligée d’en user. On lui disait que ce taux de 10 pour 100 entretenait la défiance, prolongeait la crise, et qu’elle aurait bien fait de l’abaisser. Supposons que cette opinion eût été reconnue vraie par la Banque et qu’elle eût cru devoir réduire l’escompte, elle pouvait en demander l’autorisation au gouvernement, et le gouvernement pouvait la lui accorder. Avec une loi au contraire, la réduction de l’escompte eût-elle été jugée utile par le gouvernement et par la Banque, il était impossible à l’un et à l’autre de l’accorder; la condition restait inflexible, il fallait en supporter les conséquences, quelles qu’elles fussent. A tant faire que de modifier l’act de 1844, au lieu de ce compromis qui ne remédierait à rien d’essentiel, il serait beaucoup mieux de revenir purement et simplement au système de la Banque de France. Ce système est logique, rationnel; il donne à la circulation fiduciaire toute la sécurité possible, et en même temps il lui laisse une élasticité suffisante pour répondre aux besoins légitimes et pour modérer les crises lorsqu’elles se préparent.


II.

La seconde question que nous voudrions examiner se rattache à l’énorme différence qui a existé cette année dans le taux de l’escompte entre la France et l’Angleterre, différence qui s’est élevée jusqu’à 5 et 6 pour 100 et qui a duré trois mois, l’intérêt ayant été à 4 pour 100 en France et à 10 pour 100 en Angleterre.

On s’est étonné qu’un écart aussi considérable ait pu se maintenir sans entraîner au dehors tout le capital disponible de notre pays et vidé au profit de nos voisins les caves de la Banque de France. Loin de là, l’encaisse augmentait chez nous à mesure même qu’il diminuait à la Banque d’Angleterre. Les esprits qui avaient nié la solidarité, financière entre les deux pays n’ont pas manqué de triompher de cette circonstance et de soutenir qu’on se trompait en se préoccupant de ce qui avait lieu en Angleterre pour régler la conduite de la Banque de France. Nous croyons, quant à nous, à cette solidarité; nous pensons, malgré les faits de cette année que nous expliquerons tout à l’heure, qu’il y a entre la Banque d’Angleterre et la Banque de France des rapports tellement intimes, qu’elles sont souvent dans la dépendance l’une de l’autre, obligées d’agir de con-