Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/608

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— à 8 millions de livres sterling en 1847, à 7 millions en 1857, — et s’il n’est pas descendu aussi bas en 1866, c’est parce que les directeurs ont été plus sages, plus prévoyans, et qu’ils ont su recourir à temps aux mesures préventives, notamment à l’élévation du taux de l’escompte. C’est donc moins le mécanisme inflexible de l’act de 1844 qui agit que la prudence des directeurs pour prévenir les diminutions de l’encaisse; mais aurait-il la vertu qu’on lui suppose, qu’à ce mécanisme inflexible je préférerais de beaucoup une force intelligente et capable d’apprécier les véritables intérêts du pays. Je comparerais volontiers le mécanisme de la Banque d’Angleterre à un frein qui aurait la puissance d’arrêter instantanément un train lancé à trop grande vitesse, et celui de la Banque de France à un autre frein qui n’arrêterait que par un ralentissement successif. Le premier aurait de graves inconvéniens, il amènerait un choc plus ou moins considérable et produirait plus de mal que de bien, tandis que le second, en modérant la secousse, rendrait un véritable service.

On a beau dire que les banques, même d’émission, ne sont pas instituées pour fournir un capital factice lorsque le capital réel est épuisé, et qu’il est bon au contraire qu’elles tranchent dans le vif pour arrêter le mal au plus vite : ce n’est pas fournir un capital factice que d’émettre des billets que le public bien renseigné est libre de recevoir ou de refuser, qu’il peut rapporter le lendemain même au remboursement, si cela lui convient. Si, pour éviter des désastres et arriver tout doucement au rétablissement de l’équilibre, il consent à en accepter un peu plus que ne lui en imposerait une limitation arbitraire, je ne vois pas que la banque qui s’y prête manque à sa mission, et qu’il faille absolument étrangler les gens pour les sauver. La Banque de France depuis qu’elle existe a traversé déjà bien des crises; elle a assisté à plusieurs révolutions, et, excepté un moment en 1848, où, avec un encaisse métallique de plus de moitié de la circulation fiduciaire, elle a été obligée, par suite d’une panique sans précédent, d’adopter le cours forcé, jamais, en s’appuyant sur le système que nous avons indiqué, elle n’a cessé de faire honneur à ses engagemens et de répondre aux besoins pour lesquels elle a été instituée. Elle a dû sans doute en plusieurs circonstances recourir à des mesures rigoureuses, abréger les échéances et élever le taux de l’escompte; mais les mêmes moyens ont été employés en Angleterre, et ils l’ont toujours été avec plus de rigueur que chez nous. Ainsi, sans parler de cette année, où, par suite de circonstances que nous expliquerons tout à l’heure, l’escompte s’est tenu pendant trois mois à Londres à 10 pour 100. tandis qu’il était chez nous à 4 pour 100, — en 1864, c’est-à-dire dans une année de