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mentant le prix de l’argent, ce qui a pour effet inévitable de le faire rentrer plus ou moins vite. Au point de vue de la sécurité du billet au porteur et des obstacles créés aux abus de la circulation fiduciaire, l’act de 1844 a parfaitement réussi; mais ce n’étaient là que des points secondaires, ou plutôt que des moyens d’arriver à un résultat beaucoup plus essentiel, qui était de prévenir le retour des crises commerciales, comme l’a déclaré lui-même le promoteur de cet act, sir Robert Peel. Or il est curieux de voir comment les faits ont répondu à l’attente.

Le nouveau bill était à peine en exercice depuis trois ans, qu’en 1847, tant par suite des dépenses considérables qu’avaient entraînées les chemins de fer qu’à cause de la disette des céréales qui nécessitait une certaine exportation de numéraire, on vit éclater une crise des plus violentes. La réserve des billets dans le département de la banque descendit à 2,600,000 livres sterling. L’encaisse métallique fut réduit à 8 millions de livres sterling, et la Banque, alarmée de cette situation et pressée par les besoins de toute nature qui s’adressaient à elle, demanda au gouvernement l’autorisation de suspendre l’act de 1844. L’autorisation fut accordée, la Banque émit 400,000 livres sterling de billets au-delà de la somme fixée par l’act, et la crise fut apaisée. La même chose eut lieu dix ans plus tard, en 1857; il fallut encore, au plus fort de la crise, suspendre l’act de 1844, donner une plus grande latitude à l’émission des billets au porteur, et grâce à cette latitude dont on n’usa pas cette fois, mais dont on était en droit d’user, la Banque put satisfaire aux besoins les plus essentiels, et la crise se calma encore. Enfin une troisième suspension a eu lieu cette année même au mois de mai, lorsque la panique se fut emparée des esprits après la déconfiture d’un certain nombre de maisons de banque, notamment de la maison Overend, Gurney et C° et que la Banque d’Angleterre fut devenue, comme toujours en pareil cas, le dernier refuge du crédit, le seul établissement auquel on pût s’adresser pour avoir assistance. On n’usa pas plus qu’en 1857 de la faculté qui fut donnée par le gouvernement de dépasser la limite fixée à l’émission de la circulation fiduciaire par l’act de 1844, mais on eut besoin de l’effet moral qui en résulta pour dominer la situation.

Maintenant, quant à la violence de ces crises, elle fut aussi grande après l’act qu’auparavant. En 1847, du mois d’août au milieu de septembre, on comptait déjà pour 375 millions de faillites, et quand on vit les réserves de la Banque à peu près épuisées avant la suspension de l’act, personne ne voulut plus escompter de billets, il y eut comme une cessation de la vie commerciale. En 1857, on estime que 1 milliard 1/2 fut perdu dans les faillites, sans parler de l’im-