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obligé de faire appel au numéraire étranger; il lui suffira souvent d’élever le taux de l’escompte pour attirera lui les ressources inactives du pays ou celles qui n’ont pas un emploi rigoureux, tandis que, s’il est obligé de faire appel au numéraire étranger, il ne peut l’obtenir, soit directement, qu’en offrant une prime plus ou moins élevée, ce qui en attire encore fort peu, soit indirectement par la voie des échanges, qu’en imposant des sacrifices, en obligeant à vendre des marchandises au-dessous du cours. C’est là le cas en Angleterre : dans ce pays, le stock métallique est très peu considérable, on l’évalue à 1,500 millions, et il a son emploi à tous les momens, sans qu’il soit facile de l’en détourner. Aussi n’y a-t-il pas de pays où le change varie plus souvent qu’en Angleterre; on y est constamment sous la dépendance du numéraire étranger. Il importe donc que la banque principale ne se laisse pas dégarnir trop vite de ses métaux précieux, parce qu’elle aurait de la peine à les remplacer, et l’act de 1844, qui a pour but de défendre l’encaisse de la Banque d’Angleterre, est une conséquence de l’infériorité du stock métallique, infériorité qui a ses avantages à certains points de vue, mais qui a aussi de grands inconvéniens lorsque les momens de crise arrivent.

En France, nous avons un stock métallique qu’on évalue à 5 milliards, et quand notre banque principale a un encaisse de 400 millions, ce qui est l’encaisse ordinaire, elle ne possède guère encore que la douzième partie de la circulation métallique, tandis que le même encaisse de 400 millions à la Banque d’Angleterre représente le quart de la circulation métallique de tout le pays. On comprend que les raisons d’agir soient différentes, et que nous ne nous préoccupions pas au même degré que nos voisins de la diminution de l’encaisse métallique à la banque principale. En Angleterre, une simple exportation de 2 à 300 millions de numéraire pour payer des acquisitions extraordinaires en céréales ou en coton suffit pour déterminer une crise et pour obliger le pays à faire appel au numéraire étranger, tandis que chez nous, s’il n’y a rien de dérangé du reste dans notre équilibre commercial, nous pouvons exporter 2 ou 300 millions sans trouble aucun. Nous en avons fait l’expérience trois années de suite, en 1854, 1855 et 1856. Ainsi, tant parce que la Banque d’Angleterre ne joue pas dans le pays le même rôle que la Banque de France chez nous, n’intervient pas aussi activement dans les relations quotidiennes du commerce, que parce qu’il y a une grande différence dans le stock métallique des deux pays, on peut appliquer en Angleterre un régime qui ne conviendrait pas en France. Maintenant ce régime lui-même a-t-il parfaitement réussi en Angleterre, est-il le meilleur qu’on puisse