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raison d’être en Angleterre, tandis qu’il ne l’aurait pas au même degré en France. En Angleterre, la banque principale n’est pas un rouage de crédit ordinaire, ce n’est pas elle qui fournit au commerce la plus grande partie des ressources dont il a besoin; elle est comme une espèce de réserve organisée pour les circonstances extraordinaires. En temps ordinaire, le commerce s’alimente auprès des établissemens d’escompte, des joint-stock-banks, qui disposent à cet effet de ressources beaucoup plus considérables que la Banque d’Angleterre. Le portefeuille de celle-ci comprenant ce qu’on appelle the other securities ne dépasse guère 20 millions de livres sterling. C’est à peu près en tout temps le chiffre du portefeuille de the London and Westminster Bank, de the Union, de the Joint-Stock, et si on Réunit les huit principales joint-stock-banks de Londres, les avances faites par elles au commerce sont presque quadruples de celles de la Banque d’Angleterre. Il en est de même pour les dépôts. Ils sont en temps ordinaire à la Banque d’Angleterre d’environ 13 à 14 millions de livres sterling ou 350 millions de francs. The London and Westminster Bank à elle seule en a toujours autant, et les huit principales banques réunies en ont cinq ou six fois plus. La Banque d’Angleterre n’a donc qu’un rôle fort accessoire dans la dispensation du crédit, et on peut la soumettre à un régime exceptionnel et sévère sans que le commerce en souffre beaucoup. Cela se passe pour ainsi dire au-dessus-de sa tête, dans une région où il a peu d’accès. C’est pourquoi on a pu appliquer à la Banque d’Angleterre le régime de l’act de 1844; mais, introduit chez nous et appliqué à la Banque de France, qui joue un rôle incessant dans les relations du commerce et escompte une grande partie de son papier, ce régime aurait les effets les plus fâcheux. A chaque instant, pour défendre son encaisse et le maintenir à la limite prescrite, la Banque serait obligée d’imposer au commerce les restrictions les plus dures; elle élèverait notamment le taux de l’escompte beaucoup plus haut et beaucoup plus souvent qu’elle ne le fait aujourd’hui.

Il y a encore un autre fait à considérer, c’est la différence du stock métallique des deux pays. Quand on veut juger de la nécessité pour un établissement financier d’avoir une réserve métallique plus ou moins forte par rapport à sa circulation fiduciaire, il ne faut pas seulement considérer cet établissement en lui-même et les bases sur lesquelles il repose, il faut examiner encore ce qui peut exister de numéraire dans le pays; s’il en existe beaucoup, l’établissement financier pourra laisser descendre son encaisse beaucoup plus bas que s’il en existe peu; il aura, dans les momens critiques, pour se procurer ce qui lui manque, des moyens plus faciles que s’il est