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à vue ou à terme, ce qui constitue une opération de crédit; mais ces engagemens, quels qu’ils soient, doivent toujours être proportionnés aux moyens qu’on a de les acquitter. Or les chemins de fer, en facilitant la circulation du numéraire, les mines d’or, qui en ont augmenté la masse, ont par cela même donné plus de latitude pour développer le crédit. C’est comme une pyramide qui peut s’élever d’autant plus haut que la base est plus large.

Parmi les questions qu’a fait naître le développement du crédit s’est trouvée tout naturellement en première ligne celle des moyens à employer pour suppléer à l’usage de la monnaie métallique, qui malgré l’abondance des mines d’or devient de plus en plus insuffisante par rapport aux progrès des affaires. On s’est demandé si le billet au porteur était bien le meilleur de ces moyens, à quelles conditions il présentait toutes les garanties désirables, par qui il devait être émis, et enfin comment les établissemens de crédit pouvaient lutter contre les crises, lorsqu’elles se présentaient. Nous avons déjà ici même traité la plupart de ces questions, nous ne voulons pas y revenir. Une enquête est ouverte par le gouvernement depuis deux ans pour en préparer la solution; mais, avant que la commission qui dirige cette enquête formule ses conclusions, il nous a paru utile d’éclairer à l’aide des faits qui se sont accomplis cette année quelques-unes de ces questions, celles qui sont particulièrement à l’étude. Nous voudrions par exemple examiner : 1° quel a été au point de vue des faits nouveaux le meilleur système de crédit, de celui qui régit la Banque d’Angleterre en vertu de l’act de 1844, ou de celui qui régit notre propre Banque; 2° comment, malgré la solidarité qui existe entre les banques principales et notamment entre celles de l’Angleterre et de la France, on a pu voir cette année pendant plusieurs mois un écart de 5 à 6 pour 100 dans le taux de l’intérêt entre les deux pays, sans que le pays qui avait l’intérêt le plus bas eût à en souffrir et vît diminuer ses ressources.


I.

On a souvent dit, en parlant des institutions des peuples, que chacun avait celles qui lui convenaient le mieux, qui étaient le plus conformes à ses mœurs et à ses traditions, et qu’il n’existait pas à cet égard de règle absolue. Si cela est vrai des institutions politiques, ce que je n’examine pas, cela est plus vrai encore de certaines applications du crédit. Il y a tel système de crédit qui peut être bon pour un pays et qui ne le serait pas au même degré pour un autre, parce que les conditions sont différentes. Ainsi le fameux act de 1844 qui régit en Angleterre la circulation des billets au porteur a sa