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place sur une autre. Il y a longtemps enfin que des établissemens privilégiés ou non se sont formés, ayant pour mission d’escompter les billets de commerce payables à échéance et de les remplacer par des billets payables au porteur, ce qui a constitué la circulation fiduciaire proprement dite; mais toutes ces opérations connues et pratiquées depuis longtemps ne sortaient pas d’un cadre très restreint, partant elles faisaient naître peu de difficultés et donnaient lieu à peu de questions. Il n’en est pas de même aujourd’hui : le crédit occupe dans les relations modernes une place si importante qu’il peut être considéré comme le grand levier qui met en mouvement l’activité industrielle et commerciale du monde entier. Pour donner une idée de l’extension qu’il a prise, nous n’avons qu’à consulter le chiffre des opérations de la Banque de France il y a trente-six ans et aujourd’hui. Jusqu’en 1830, la Banque de France n’avait pas une circulation de billets au porteur dépassant 200 millions, et le chiffre de son portefeuille n’atteignait pas 150 millions. En 1848, après la fusion des banques départementales, le chiffre des billets n’était encore que de 343 millions, et le portefeuille de 232. Aujourd’hui le portefeuille est en moyenne de 700 millions, et le chiffre des billets au porteur dépasse 900 millions, : encore la Banque de France était-elle autrefois le seul établissement public ou à peu près qui fît des opérations de crédit. Aujourd’hui elle a des concurrens nombreux et à peu près partout. A Paris, c’est le Comptoir d’escompte, la Société du crédit industriel et commercial, la Société générale, le Crédit foncier, la Caisse des dépôts et comptes courans, sans parler d’une multitude d’autres établissemens particuliers; en province, ce sont aussi dans la plupart des villes des comptoirs d’escompte, et dans les principales des sociétés de crédit à l’instar de celles de Paris. On pourrait dire, en restant au-dessous de la vérité, qu’on escompte aujourd’hui autant de milliards qu’on escomptait de centaines de millions il y a seulement trente ans. Il n’est donc pas étonnant qu’avec un développement semblable le crédit soulève aujourd’hui des questions inconnues autrefois.

Si maintenant on veut chercher les causes qui ont donné lieu à cet immense développement des affaires, on les trouvera dans les chemins de fer et les mines d’or. Les chemins de fer ont commencé par multiplier les rapports des individus entre eux, par procurer des débouchés nouveaux aux marchandises, puis sont arrivées les mines d’or, qui ont fourni l’instrument d’échange aux transactions devenues plus nombreuses, et enfin, quand le cadre s’est trouvé élargi par l’action simultanée de ces deux premiers agens de la fortune publique, le crédit est intervenu à son tour pour l’élargir encore