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ture à dessiller les yeux des partisans les plus absolus du système contraire. Aussi toutes les nations, encouragées par cet exemple, se sont-elles mises à réduire leurs tarifs de douane par des traités de commerce ou autrement. Voilà une question jugée, sur laquelle il n’y a plus à discuter, excepté sur des points de détail.

Il en est de même d’une autre question très importante qui concerne les chemins de fer. On ne discute plus sur l’exécution et l’exploitation par l’état de ces moyens de locomotion. On ne discute pas davantage sur l’utilité qu’il peut y avoir à concentrer les réseaux qu’on avait eu autrefois l’idée de fractionner. Tout le monde reconnaît que l’exécution et l’exploitation des chemins de fer par l’état est un mauvais système, fort coûteux et peu productif, et quant à la concentration des réseaux, on a reconnu aussi qu’elle valait mieux que le système contraire. Avec le fractionnement, on était arrivé en 1852, après dix ou douze ans d’exécution, à faire à peu près 3,000 kilomètres de chemins de fer, tandis qu’avec la concentration on en a fait depuis, dans un laps de temps égal, au moins trois fois autant.

Je sais bien que la première période a été traversée par une révolution, et que les ressources dont on disposait alors n’étaient pas comparables à celles qu’on a eues plus tard. Il n’en est pas moins vrai que le système de la concentration qui a triomphé en 1852 a été une idée heureuse, et que c’est à ce système qu’on doit principalement d’avoir pu pousser avec tant d’activité l’exécution de notre réseau en y dépensant 3 ou 400 millions par an. Si nos chemins de fer sont exploités avec tant de sollicitude pour le voyageur et tant d’intelligence pour les intérêts commerciaux, c’est également la conséquence de la concentration des réseaux. Les grandes compagnies ont, pour accomplir leur mission, des moyens que n’auraient pas eus les petites, et cet avantage se traduit pour le public en plus de sécurité et plus de rapidité. On peut discuter encore sur des questions accessoires, sur les moyens à employer pour donner plus de comfortable aux voyageurs, plus de facilités au commerce: on ne discute plus sur les questions principales qui nous embarrassaient jadis. Personne ne voudrait revenir à l’exécution et à l’exploitation des chemins de fer par l’état, personne ne demanderait le fractionnement des réseaux. Ce sont des questions sur lesquelles l’expérience a prononcé, tout le monde se soumet.

Il n’en est pas de même en matière de crédit : ici toutes les questions sont neuves. Non pas que l’idée de crédit et l’usage qu’on en fait soient d’invention récente : il y a longtemps que l’on connaît le billet à ordre; il y a longtemps encore que la lettre de change est en usage comme moyen de remettre de l’argent d’une