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des membres les plus distingués de cet illustre corps, avait été désigné pour diriger toutes les affaires qui depuis ont formé l’attribution du département considérable dont il a été lui-même le premier titulaire, et qui depuis a porté le nom de ministère des cultes. Ce que nous avons dit de M. Portalis fait présager l’esprit qui inspira son habile administration. Hors le défaut d’abonder trop vite et trop complètement, alors même qu’il ne les partageait point, dans les vues du maître qu’il servait, M. Portalis était l’homme le plus capable par son esprit et le plus digne par son caractère de se tirer heureusement de la tâche épineuse qui lui était confiée. Laissé à lui seul, sa large et patiente modération eût réussi à tout concilier; mais le texte des lois organiques était impératif: plus impératif encore était l’homme qui les avait voulues, qui d’un œil jaloux en surveillait l’exécution, toujours prêt à porter la main, et quelle main ! irritée et violente, dans les moindres affaires qui ne marchaient pas à son gré. Est-il besoin d’ajouter qu’à ces heures de crise, qui devaient devenir de plus en plus fréquentes, M. Portalis n’était plus consulté, se gardait bien d’offrir des avis qu’on ne lui demandait pas, se contentait de donner cours le plus doucement qu’il pouvait aux instructions qu’il recevait du premier consul, lesquelles étaient parfois d’une difficile exécution.

Nous avons trop parlé de l’affaire de la réconciliation des ecclésiastiques du second ordre pour être tenu d’y revenir encore. Elle fut du nombre de celles qui donnèrent à M. Portalis le plus de tracas et dans lesquelles, s’il avait pu suivre son penchant naturel, il eût probablement été porté à prendre plutôt parti en faveur du légat et des évêques dits légitimes. La matière était délicate, s’il en fut, car rien ne touchait de plus près à la conscience. Les termes par lesquels, dans une circulaire nécessairement soumise au premier consul, il avait dû blâmer les mesures prises par plusieurs évêques à l’égard des prêtres constitutionnels, n’en avaient pas moins été empreints d’une extrême sévérité. De telles mesures, disait-il, seraient un délit[1], et les évêques avertis se gardèrent bien de se mettre en contravention.

Cela leur devenait cependant de jour en jour plus difficile, car, après avoir veillé à la manière dont les évêques réglaient les affaires de conscience des curés de leurs diocèses, le gouvernement venait tout à coup d’élever la prétention de prendre à l’avance connaissance de leurs mandemens. Ce ne fut point M. Portalis qui fut chargé cette fois de leur rien enjoindre directement. Cela eût été

  1. Lettre circulaire de M. Portalis aux évêques de France, 10 prairial an X (juin 1802).