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daine qui en rejaillirait sur lui; cependant, au moment même où il prêtait son plus cordial concours à cette grande œuvre qui devait, pensait-il, illustrer dignement son passage sur le siège de saint Pierre, c’étaient les questions d’orthodoxie catholique et de conscience spirituelle qui avaient le plus préoccupé son âme scrupuleuse. Seul et à genoux dans son oratoire, il s’était plus d’une fois demandé devant Dieu s’il avait bien réellement le droit de faire ce qui lui semblait exigé par les circonstances. Plus d’une fois, sondant avec tremblement la pureté de ses motifs, lui, le juge souverain en matière de foi, l’arbitre infaillible qui devait guider tous les autres et que personne ne pouvait diriger, il s’était presque surpris à douter par momens de l’étendue de son pouvoir et à mettre en question sa propre autorité. La mesure par laquelle il avait déclaré privés de leurs sièges les anciens évêques non démissionnaires lui avait en particulier causé une cuisante douleur, qui dans les heures de crise semblait tenir du remords. Les protestations par lesquelles ces évêques faisaient appel à sa justice, en citant les textes des canonistes les plus estimés à Home, venaient justement d’être remises au saint-père. Sa susceptibilité de pontife et de théologien avait souffert de la résistance opposée à ses décisions souveraines ; mais il y avait autre chose dans ces protestations. Aux reproches non dépourvus d’amertume se joignaient des paroles émues et tendres, comme celles qu’adresseraient des fils respectueux au père dont ils croiraient avoir à se plaindre. Ces plaintes avaient ébranlé l’âme si douce de Pie VII. Rien n’était plus propre à achever d’y porter le trouble que l’annonce successive du serment prêté par le légat, de la nomination des évêques constitutionnels, et enfin de la publication des articles organiques présentés comme faisant partie du concordat.

Qu’allaient dire maintenant ces évêques? Qu’allait penser cette partie du sacré-collège qui n’avait pas entièrement approuvé le concordat? Le premier consul, si préoccupé des difficultés que lui causait, dans le gouvernement des affaires de Rome, la division profonde qui régnait entre les ecclésiastiques insermentés et les prêtres constitutionnels, était parfaitement décidé à ne tenir aucun compte des embarras assez semblables que le saint-père rencontrait dans la direction spirituelle de son église. C’était bien de propos délibéré, parce que cela servait à leur assurer le respect du clergé et des fidèles, qu’il avait présenté les articles des lois organiques comme ayant été combinés d’accord avec le saint-siège. Aucune précaution n’avait été oubliée pour accréditer cette opinion. Ces lois avaient été secrètement délibérées au conseil d’état longtemps après la conclusion du concordat; elles avaient pour but de tenir lieu d’un certain article relatif aux conditions de l’exercice du culte, article que le cardinal Consalvi n’avait jamais voulu signer, dont la