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chacun des lords selon son rang dans le comité. Cet arrangement en vertu duquel le conseil délègue à ses différens membres une partie de ses droits et de ses devoirs ne reçoit du reste aucun caractère de publicité. C’est une convention de famille, et l’amirauté n’en reste pas moins une sorte de conseil des six, ténébreux et voilé pour le pays. La sphère très étendue de ses pouvoirs embrasse l’administration de la flotte à l’intérieur et à l’extérieur, le maniement des forces navales, le contrôle des chantiers de construction et des autres établissemens de l’état qui se rattachent plus ou moins à la mer. Ses attributions lui permettent de nommer des officiers aux différens grades dans les départemens militaires ou civils de la marine royale, d’ordonner et de liquider les dépenses, de faire réparer ou construire les vaisseaux, d’intervenir dans les écoles de navigation qui appartiennent à l’état. Toutes ces affaires sont généralement réglées en conseil. Dans de telles séances régulièrement convoquées, les décisions ne se trouvent pourtant point soumises à l’épreuve du scrutin; les membres ne votent jamais et se contentent d’exposer leur avis. D’après un usage consacré par le temps, le premier lord jouit dans le conseil d’une sorte d’autorité suprême. Il se peut par exemple qu’en sa qualité de membre du cabinet et possédant les secrets du gouvernement il réclame certains arméniens ou une nouvelle distribution des forces navales sans communiquer ses raisons au comité. Les autres lords n’ont alors qu’à choisir entre deux alternatives, se soumettre ou donner leur démission, et il est rare qu’ils adoptent ce dernier parti. Le ministre a bien le droit de justifier son silence par plus d’un motif sérieux : conviendrait-il d’ébruiter les intentions de l’état en les confiant à des hommes très honorables sans doute, mais qui par distraction ou par légèreté peuvent en parler dans les clubs? Il y a pourtant là une anomalie qui saute aux yeux. Qu’est-ce qu’un conseil couvrant de sa responsabilité collective des actes qu’il n’est point à même d’approfondir? L’assentiment des commissioners devient dans ce cas le masque de la volonté du ministre. En général le premier lord défère néanmoins à l’avis des autres lords de l’amirauté pour ce qui concerne les détails d’administration dont ils sont personnellement chargés. Il ne préside d’ailleurs point à toutes les décisions; deux commissioners et un secrétaire suffisent pour tenir un conseil. Le premier secrétaire est d’ordinaire membre du parlement, et quand le ministre appartient à la chambre des lords, il est souvent le seul organe de l’amirauté devant la chambre de communes.

Le régime des comités a été depuis quelque temps en Angleterre l’objet d’assez vives critiques. On lui reproche, et avec raison, d’af-