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les deux systèmes se sont en quelque sorte disputé le terrain, et l’on vit de temps en temps reparaître les attributions de grand-amiral personnifiées dans un des principaux officiers de l’état. C’est ainsi que Cromwell ressaisit de sa large main le gouvernement des affaires maritimes, qui avaient été gérées durant plusieurs années par un comité du parlement. Après lui, le duc d’York, frère de Charles II, Charles II lui-même, le prince George de Danemark et le comte de Pembroke firent revivre par intervalles une dignité qui tendait toujours à s’évanouir. En effet depuis plus d’un siècle et demi, à une seule exception près, celle du duc de Clarence (Guillaume IV), qui fut grand-amiral d’Angleterre de 1827 à 1828, les intérêts de la marine de l’état ont toujours été administrés par un conseil. Les attributions des anciens amiraux, high admirals, consistaient d’une part à entretenir et à surveiller les forces navales du royaume, de l’autre à rendre la justice dans tous les procès auxquels pouvaient donner lieu les contestations sur mer. Le premier de ces pouvoirs est aujourd’hui exercé par l’amirauté elle-même, et le second par un tribunal qui porte le nom de high court of the admiralty, haute cour de l’amirauté[1].

Le comité qui régit en Angleterre la flotte royale, royal navy, se compose de six membres et de deux secrétaires. Le premier lord est généralement un homme d’état tout à fait étranger à la navigation ; il fait partie du cabinet et représente assez bien ce que nous appelons en France le ministre de la marine. Le second, désigné sous le titre de senior sea lord, le plus ancien lord de la mer, passe au contraire pour le conseiller naturel du ministre dans toutes les affaires qui réclament des lumières spéciales et touchent à la profession nautique. C’est souvent le seul du comité qui ait vraiment, comme on dit, goûté l’eau salée et respiré l’odeur du goudron. Le sixième membre ou junior lord est d’ordinaire un jeune homme de bonne naissance qui cherche à se faire la main, et qu’on veut pousser dans le monde officiel en l’exerçant d’abord à la pratique des intérêts maritimes du royaume. Tous ces commissioners (commissaires de l’amirauté) sont nommés par la reine : ils naissent et tombent avec le ministère dont ils partagent la fortune politique.

À leur entrée en fonctions, les lords de l’amirauté commencent par se partager entre eux le champ des travaux. Une liste imprimée portant le titre de distribution of business (distribution des affaires) définit assez bien le genre de service qu’assigne l’usage à

  1. Cette cour exerce sa juridiction sur les affaires maritimes, soit civiles, soit criminelles.