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semblent les lords de l’amirauté, ne se distingue guère que par des murs revêtus d’anciennes boiseries curieusement sculptées et fouillées au ciseau. On y retrouve encore Nelson, mais cette fois en peinture; son portrait, qui manque d’ailleurs de relief et d’expression, a été fait à Palerme en 1799 par Leonardo Guzzardi. A la tête d’une grande table recouverte d’un drap vert s’élève le siège du président ou premier lord de l’amirauté, tandis que la place des autres conseillers est marquée par des fauteuils doublés de cuir rouge. En somme, cette salle est vieille et triste, peu de lumière, nul ornement; c’est pourtant ici que se décident les plus hautes questions qui intéressent la marine de l’état.

L’amirauté représente bien la tête de l’administration nautique, mais elle tient à un corps dont les membres s’éparpillent à la surface de toute la Grande-Bretagne. Pour ne parler que de Londres, les affaires de la marine s’y trouvent répandues et distribuées entre diverses succursales, dont l’une siège dans Spring-Gardens et l’autre dans Somerset-house. Un fait bien simple explique assez cette dispersion administrative, qui étonne pourtant à première vue les étrangers. Ainsi que presque toutes les branches du gouvernement anglais, la force maritime s’est constituée au moyen d’élémens distincts qui ont dû nécessairement s’accroître et se grouper à mesure que s’étendait la prospérité matérielle du pays, mais qui ne se sont jamais laissé absorber par un centre. La marine britannique a grandi avec la nation, et, pour me servir d’une expression à la mode, on ne l’a point faite, elle est devenue. Il ne faut donc guère lui demander cet ordre artificiel qui naît de la volonté d’un homme; elle a l’ordre naturel, qui sort de la loi des libres développemens. C’est par là qu’elle revêt aisément la forme spontanée que lui imprime de siècle en siècle le caractère du génie anglo-saxon. Un tel état de choses entraîne pourtant quelques inconvéniens, et l’on a dû avoir recours à certains moyens pour relier entre elles les diverses parties du système. Un des bureaux est consacré à la transmission des ordres qui partent de l’amirauté, et qui, grâce à la télégraphie électrique, rayonnent bientôt sur tous les points du royaume. Par l’entremise de ces fils toujours vibrans, qui sont à l’unité d’administration ce que le système nerveux est au cerveau, le conseil peut télégraphier ses avis aux divers services de Londres, diriger les travaux à Sheerness ou à Portsmouth, dans les chantiers du gouvernement, et lancer une frégate à la mer. Ces appareils galvaniques ne diffèrent guère par la forme ni par la méthode de ceux qu’on emploie ailleurs; mais il y a quelque chose d’imposant dans le silence de cette chambre dont l’air est pour ainsi dire chargé de graves nouvelles et de secrets messages d’état. Les ordres qu’on transmettait