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supérieures pour rendre ce suprême service à l’art dramatique expirant : service regrettable après tout, car les acteurs font accepter ainsi ce qui, vu dans sa nudité, exciterait la risée et les sifflets ; ce sont des charmeurs qui trompent le bon goût par leurs prestiges. On ne se dérangerait pas pour le Fils de M. Vacquerie ; mais on ira voir quel masque saisissant, quel mordant et quelle âpreté Got sait donner à un personnage répugnant et vieilli ; on rirait du cas de conscience de M. Vacquerie et de son vertueux avocat, mais on applaudira le jeu excellent de Delaunay, on supportera, grâce à lui, le plus interminable des monologues, et dans cette nouvelle tempête sous un crâne où notre patience ferait naufrage cent fois, on admirera ses ressources de mimique et d’intonation.

N’importe, malgré tant de talent si mal dépensé, c’est un plaisir laborieux que celui d’entendre cette pièce jusqu’à la fin ; elle n’est ni récréative ni émouvante ; elle ennuie parce qu’elle sonne creux, elle irrite parce qu’elle sonne faux. En secouant au grand air la mauvaise humeur que nous emportions de cette soirée, il nous est arrivé de dire : Qu’on nous ramène à M. Sardou. Puissent les dieux plus sages avoir fermé l’oreille à ce souhait imprudent !


p. challemel-lacour.



REVUE MUSICALE

Les chants avaient cessé, mais ils recommencent. La Patti nous est revenue, quelle joie ! elle nous reste, quelle ivresse ! En voilà pour six mois de pluies de fleurs, de bouquets d’artifice et d’enthousiasme sans rémission. Déjà l’hymne accoutumé remplit la ville, tous les violoneux sont d’accord ; vite à la besogne, prenons le la chez le voisin, il s’agit d’être dans le ton. Et d’abord une admonestation sévère, bien sentie au public de la première soirée ; on donnait la Sonnambula, tançons-le vertement ce bélître de s’être montré de glace à pareille fête, de n’avoir pas su comprendre son bonheur, ou plutôt ignorons-le, nescio vos, et tous, comme un seul homme, écrions-nous que le public, le vrai public des Italiens n’étant point encore à son poste au moment de l’ouverture, de tels mécomptes ne sauraient être pris en considération. Fort bien, mais alors que ferons-nous des ovations du lendemain ? renverrons-nous également à leurs comptoirs, à leur province, les honnêtes gens qui les prodiguent ? En quelques jours, les circonstances n’ont point varié. Il n’y a de changé et de nouveau que le rôle cette fois pleinement dans la mesure de la voix et du talent de Mlle Patti. Nous avons dit notre opinion ici même sur l’ouvrage des frères Ricci. Cet opéra de Crispino e la Comare, qui fut pour nous, l’hiver passé, une révélation, était depuis quinze ans et plus, pour l’Italie, le secret de Polichinelle. Musique agréable, courante, amusante, facile et prompte à vous donner tout ce qu’elle a sans se faire prier, on l’aima d’abord un peu pour elle-même ; aujourd’hui on en raffole pour