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de M. Bouilhet est difficile à suivre, embrouillé, monotone, ce qui tient à la fois au coloris artificiel du style, à l’insuffisance de la conception dramatique et à la nullité des caractères.

Il semble que la sinistre histoire de l’époque à laquelle il a emprunté son sujet aurait dû l’avertir que l’abus de certains ornemens de style, déjà signalé dans ses pièces précédentes, était moins de saison que jamais. Il n’y a rien de plus tragique dans toutes nos annales que cette heure de sourde fermentation qui précède de si près l’explosion des passions religieuses. Les fureurs des sectes mêlées à toutes les passions humaines grondent tumultueusement dans les cœurs. Les supplices ont commencé depuis longtemps, mais épars et voilés encore de formes légales, comme un prélude timide où s’essaie le fanatisme hésitant. Cependant les colères s’amassent, les partis fourbissent leurs armes et se tendent de mutuelles embûches ; le temps approche des exécutions en plein soleil, des massacres en masse, des guerres sans pitié, des assassinats vengés par l’assassinat, et les personnages marqués pour en être les premières victimes sont précisément ceux que M. Bouilhet met aux prises dans son drame. Un tel drame devait respirer la haine et le sang : l’auteur a jugé bon d’y répandre les coquetteries du style le plus paré ; il a semé des pâquerettes de l’idylle ce champ de carnage. Là où l’on ne devrait entendre qu’une langue virile et sombre comme les passions qui se combattent, que les accens d’une voix d’airain comme celle d’un d’Aubigné, nous entendons une langue surchargée d’un lyrisme parasite qui se joue à tout propos dans les fantaisies de la métaphore, sauf à retomber, assez lourdement parfois, dans un l’on voisin de la prose. Ce sont pourtant, il faut bien le dire, ces beautés poétiques, tout aussi fausses que celles dont Pascal faisait justice de son temps, qui dans cette pièce, comme dans Mme de Montarcy et dans Hélène Peyron, ont été le plus applaudies. Aussi l’auteur les prodigue-t-il sans choix et ne s’aperçoit pas qu’elles faussent à la fois le ton général et les caractères.

Ce style de madrigal, ces gentillesses d’un goût douteux, dont il aurait dû se défaire depuis longtemps, ne sont pas le langage des passions, ni par conséquent celui qui convient à la scène, et nous craignons qu’il n’indique chez M. Bouilhet une médiocre aptitude pour le théâtre. Nous voudrions nous tromper, mais l’action n’est pas chez lui d’une vigueur et d’une rapidité à nous faire changer d’avis. Elle est au contraire indécise et faiblement nouée. Sous le nom de ce pauvre prince hébété qui a nom François II, les Guises, ses oncles, gouvernent et oppriment la France ; ils n’ont d’autres rivaux à craindre que la reine-mère, Catherine de Médicis, et les princes de la maison de Bourbon, le roi de Navarre et Condé, que les protestans reconnaissent un peu malgré lui pour leur chef. C’est entre ces divers personnages que se joue la partie dont l’enjeu est la possession de l’idole royale, c’est-à-dire de l’autorité souveraine attachée à son nom. Voilà tout le sujet, qui n’a, comme on voit, rien par lui-même d’éminemment dramatique. Aussi l’auteur y a-t-il mêlé la conjuration d’Amboise, qui lui fournit