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Le point important serait que la cour de Rome déchargeât son administration des soucis peu nobles de la gestion des affaires locales et de la police : ce genre d’affaires est peut-être celui où un gouvernement sacerdotal est le moins habile et où sa dignité a le plus à souffrir. Le pape pourrait faire en ce moment l’application très opportune de ce conseil municipal dont le projet avait été étudié en 1855, et qu’on a oublié depuis dans le grand tourbillon des événemens Italiens ; c’est de ce côté qu’il faudrait travailler, en espérant beaucoup de l’émulation que les dispositions conciliantes du saint-père ne manqueraient pas d’exciter parmi la population romaine. En entrant dans cette voie, on serait bientôt éclairé par les expériences, et peu à peu, par le développement spontané des bonnes intentions des personnes et de la nature des choses, on arriverait à la solution pratique du problème imposé aujourd’hui à l’Italie et à Rome : problème qui exige que les populations romaines soient fraternellement admises au partage des droits et des avantages de la nouvelle cité italienne, et qui veut que cette union se puisse accomplir en respectant les garanties de l’indépendance du gouvernement de l’église dans le domaine des consciences.

La France observera sans doute avec un intérêt profond ce qui va se passer entre Rome et l’Italie ; mais, quoi qu’il puisse arriver, sa résolution doit être inébranlable. Il faut que la France renonce pour toujours à exercer une action coercitive et tyrannique dans ce grand débat où l’existence d’une nation se trouve aux prises avec de prétendues garanties matérielles invoquées au profit d’une croyance religieuse. La France ne peut plus prêter sous aucune forme et sous aucun prétexte le glaive de la puissance temporelle à une suprématie dogmatique. Nous commettrions sans doute, dans les vues ordinaires de la politique, une faute impardonnable, nous qui avons tant contribué à restituer l’Italie à elle-même, si, après que le dernier soldat autrichien a pour jamais tourné le dos à la Vénétie, nous avions la maladresse de vexer la nation italienne en prétendant exercer le contrôle d’une force étrangère sur sa vie intérieure au nom d’un intérêt religieux. Ce serait renoncer aux fruits d’une alliance chèrement gagnée. Des considérations plus hautes nous tracent nos obligations et notre devoir. Nous ne pouvons assister sans émotion à la crise qui va décider des relations nouvelles du gouvernement de l’église catholique avec les sociétés humaines. Nous gémirions, si de fatales méprises et des passions malheureuses ajournaient ou compromettaient une transformation nécessaire, nous formons les vœux les plus vifs pour que le nouvel équilibre religieux s’établisse par les moyens raisonnables et doux ; mais, quoi qu’il arrive au dernier terme de cette lutte, la France de la révolution n’a point le droit d’y continuer ou d’y introduire de nouveau l’élément de la force matérielle. C’est aux religions à se faire elles-mêmes leur place dans le monde par la vertu persuasive de leur puissance morale ; c’est aux églises a chercher et à trouver le moyen de s’accommoder pacifiquement aux conditions variables de l’existence des