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LA TERRE.

Chantons la terre ! Assez gémi !
L’astre chlorotique et blêmi,
La lune est morte, sa jumelle ;
La terre est belle, il faut l’aimer ;
Eh ! qui donc nous doit plus charmer
Que Terra, la ronde mamelle ?

La brume est son voile soyeux,
Ses lacs sont doux comme des yeux,
Et sur sa gorge de collines
On voit courir source et ruisseau
S’entre-croisant comme un réseau,
Comme un réseau de veines fines.

Quelle femme a sur ses habits
Plus de perles et de rubis,
Et qui sait mieux sur ses épaules
Draper les plis houleux et lourds
De sa verdure de velours,
Ou la blanche hermine des pôles ?

N’importe l’heure ou la saison,
Laquelle a meilleure façon
Parmi celles que l’on renomme,
L’hiver tout autant que l’été
Quand, bouquet de givre au côté,
Elle attend Avril, ce jeune homme ?

Elle a le soleil pour amant,
Le soleil blond l’aime ardemment ;
Pour lui seul elle ouvre ses voiles,
Quand à l’aube il lui fait sa cour :
La terre est la belle-de-jour
Du grand jardin bleu des étoiles !

Le sein de la terre est béni,
Le néant y fait l’infini,
Et tranquillement et sans haine
S’accomplit l’œuvre sérieux
Dans ce creuset mystérieux
Où germe l’homme avec le chêne.