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diplomatie et dans l’armée. Il faut reconnaître que la noblesse de Savoie, appauvrie par le départ de la cour, a mérité par ses services les préférences dont elle a été l’objet de la part du souverain. Celui-ci a toujours trouvé dans ses rangs des hommes dévoués dont l’esprit politique et les qualités militaires ont singulièrement avancé la fortune de la Savoie en Italie. On la voit participer sans cesse à toutes les négociations diplomatiques et à toutes les luttes depuis le règne d’Emmanuel-Philibert jusqu’aux événemens qui ont donné à Victor-Emmanuel le trône d’Italie et la couronne de fer des rois lombards.

La politique de la maison de Savoie en Italie se distingue par un trait particulier de celle des conquérans qui ont foulé tour à tour le sol de cet infortuné pays : à toutes les époques, elle a été dictée par un sincère attachement à la nation italienne et par une intelligence supérieure de ses vrais intérêts. Sans doute elle n’a pas perdu de vue ses avantages particuliers et négligé les occasions de s’agrandir en même temps qu’elle s’appliquait à servir l’Italie ; mais elle n’a vu de bonne heure dans cette nation foulée par les armées étrangères et par le despotisme indigène qu’une alliée à soulager, une sœur malheureuse à secourir. Les princes de Savoie ont conçu l’intérêt général de l’Italie sous trois aspects différens, et cette pensée s’est formulée dans leur diplomatie par un triple principe : la neutralité de l’Italie, l’équilibre de l’Italie et l’indépendance de l’Italie. Il faut d’abord écarter du sol italien, trop souvent ensanglanté, le fléau de la guerre et persuader aux grandes puissances de choisir un autre champ de bataille ; il faut ensuite empêcher que l’une ou l’autre ne rompe à son profit l’équilibre italien ; il faut enfin les éloigner toutes de l’Italie. Telles sont les trois idées sur lesquelles a roulé la politique de Savoie jusqu’à nos jours. Victor-Amédée II, le fondateur de la royauté de Sardaigne, est le premier qui ait eu l’idée d’obtenir à l’Italie le privilège de la neutralité. La France accepta la première ce principe par le traité signé à Pignerol le 29 juin 1695, élaboré à Loreto par les envoyés de Louis XIV, du duc de Savoie, de la république de Venise et du pape. Pour prix de l’acceptation de ce principe, Victor-Amédée II se sépara de la coalition formée contre la France et hâta la paix de Ryswik par cette retraite, qui découvrit l’Autriche en Italie devant les armes françaises. Six ans plus tard, au moment où allait éclater la grande guerre de la succession espagnole, il fit insérer de nouveau ce principe dans le traité d’alliance avec Louis XIV du 6 avril 1701 ; mais, comme il lui restait peu d’illusion sur la possibilité de faire respecter la neutralité de l’Italie aux autres belligérans, il stipula qu’au cas où la guerre sévirait au-delà des Alpes, il