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engendre le mouvement de l’éther. Celui-ci, en circulant dans le conducteur, y développe de la chaleur, parce qu’il ébranle en passant les molécules pondérables et leur laisse une partie de sa force vive ; mais, au lieu de produire de la chaleur, il peut produire un travail différent. Nous en aurons un premier exemple si nous plaçons dans le circuit un voltamètre rempli d’eau. Les deux pôles du courant, les deux électrodes de platine étant amenées à la partie supérieure du liquide, l’eau s’échauffe, elle arrive rapidement à l’ébullition. Si ensuite on introduit plus profondément les pôles dans le vase, l’eau commence à se résoudre en ses deux élémens, la température du liquide diminue, et l’on rentre bientôt dans les conditions ordinaires des décompositions électrolytiques qui se font avec une légère élévation de la température. On voit donc là une action électrolytique et une action calorifique se substituer directement l’une à l’autre. Si cette expérience était conduite de manière à donner des mesures précises, si on pouvait la dégager de toute cause d’erreur, on y verrait quel est le poids d’eau qui peut être échauffé d’un degré par la quantité d’électricité qui décompose un poids donné de cette eau ; en d’autres termes, on trouverait le rapport de l’électrie à la calorie, et les courans électriques se trouveraient ainsi ramenés à la commune mesure des travaux mécaniques, au kilogrammètre[1].

Le courant produit un travail chimique dans l’exemple que nous venons de citer ; il peut aussi produire un travail mécanique, élever un poids, faire tourner un arbre. M. Favre, dans une série d’expériences devenues célèbres, a montré qu’alors la chaleur développée dans le circuit décroît précisément en proportion du travail produit. La force vive du flux électrique est en partie consommée par l’élévation du poids, par la rotation de l’arbre, et l’agitation calorifique du circuit se trouve diminuée d’autant. On voit là de l’électricité qui, au lieu de se transformer en chaleur, se convertit en travail. Si cette conversion pouvait être complète, si on pouvait tout à fait éliminer de l’expérience le phénomène calorifique, on arriverait à trouver directement un rapport d’équivalence entre l’électricité et le travail mécanique, on observerait sans intermédiaire la relation de l’électrie et du kilogrammètre.

  1. Le père Secchi a fait ainsi quelques essais d’où l’on peut conclure que la quantité d’électricité qui décompose 0g106 d’eau peut élever d’un degré la température de 38 grammes du même liquide. Il en résulterait (si on prenait pour électrie, comme nous l’avons indiqué plus haut, la quantité d’électricité qui peut décomposer un kilogramme d’eau) qu’une électrie équivaut à 360 calories ou à 153,000 kilogrammètres. Si, pour avoir des nombres moins élevés, on rapportait l’électrie au gramme, elle équivaudrait alors à 0,36 calories ou à 153 kilogrammètres. Nous citons ce résultat ; mais nous ne voulons pas affirmer que l’expérience d’où il est tiré puisse être considérée comme tenant compte de toutes les conditions du problème.