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une source calorifique, on ne voit pas que la température soit plus élevée dans les endroits où la barre est plus étroite. Il en est autrement quand l’échauffement de la barre est produit par l’électricité, puisque, comme nous venons de le rappeler, des fils très fins placés dans le circuit d’un conducteur ordinaire peuvent être rougis et fondus.

Voilà donc, dès l’abord, par un fait fondamental, le mouvement électrique assimilé à l’écoulement d’un fluide. Cette analogie se poursuit à travers toutes les particularités que l’expérience a mises en lumière. La pratique de la télégraphie a notamment fourni de nombreuses indications dans ce sens. Un fil télégraphique est comme un tube qu’il s’agit de remplir ; la pile est comme un réservoir qui remplit le tube plus ou moins facilement, suivant que lui-même est plus ou moins plein. Le fil est-il chargé ou à demi chargé, si on met à la terre l’extrémité qui communiquait avec la pile, une partie de la charge revient en arrière ; c’est ainsi qu’un fluide s’écoule d’un tube ouvert par les deux bouts. Rien de semblable n’aurait lieu dans le cas d’un mouvement vibratoire ; un pareil mouvement, quand la cause qui l’a produit vient à cesser, ne retourne pas en arrière, mais continue tout entier dans le sens où il a commencé.

C’est à des enseignemens du même ordre que l’on est conduit, si l’on considère la durée de la propagation du courant, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que le courant atteigne dans toute l’étendue du fil un régime uniforme. Cette durée croît à peu près comme le carré de la longueur du fil, et c’est encore là une loi qui rappelle le transport d’un fluide. Cette durée varie en raison inverse de la section, et cela seul montre qu’il ne s’agit pas d’une vibration ; un mouvement vibratoire, en effet, prend son régime uniforme également vite dans un tube large et dans un tube étroit, comme on peut le vérifier pour le son.

Mais quel est ce fluide dont le transport constitue le courant électrique ? Est-ce par hasard la matière pondérable elle-même, réduite à l’état de vapeur ou du moins amenée à un état de subtilité qui lui donne les propriétés des fluides ? Non, sans aucun doute. Et d’abord rien ne permet de supposer que le passage d’un courant dans un fil en augmente le poids. Si d’ailleurs le flux électrique était un transport de matière pondérable, si la matière même des conducteurs était transportée, on devrait s’en apercevoir lorsque deux fils hétérogènes se continuent l’un l’autre, lorsque le courant, après avoir traversé un fil de cuivre par exemple, passe dans un fil de fer ; le cuivre devrait laisser des traces de son passage dans la masse du fer ou réciproquement. L’observation n’a fait connaître aucun fait de ce genre, si ce n’est pourtant au point même de