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autres. Cet état de choses tient sans doute à la nature du sujet, mais il doit aussi être attribué en partie aux observateurs mêmes. Une condition essentielle, primordiale, manque aux recherches qui se poursuivent çà et là au sujet de l’électricité : on ne s’est pas encore entendu, sur l’unité à laquelle il convient de rapporter les actions que l’on étudie.

Nous avons eu déjà l’occasion d’indiquer l’importance capitale qui s’attache en physique au choix des unités. Tout phénomène résulte de la coexistence d’un certain nombre de faits corrélatifs, et pour mettre en évidence la relation de ces faits il faut représenter chacun d’eux, dans sa quantité propre, par une variable spéciale, Si l’on cherche, par exemple, à définir la trajectoire décrite par une planète autour du soleil, on pourra prendre pour élément de recherche d’une part la longueur variable du rayon vecteur qui joint le soleil à la planète, et d’autre part l’inclinaison continuellement changeante de ce rayon sur l’axe du périhélie ; l’observation montrera dès lors entre ces deux quantités le rapport qui constitue l’équation de l’ellipse, et l’on pourra dire que la planète parcourt une orbite elliptique dont le soleil occupe un des foyers. Cependant il ne faudrait pas s’imaginer qu’un phénomène soit également facile à définir, quelles que soient les variables que l’on ait choisies pour l’étudier ; bien au contraire ce choix exerce sur les résultats obtenus l’influence la plus décisive : avec telles variables, vous n’arriverez qu’à des conséquences confuses dont vous ne pourrez tirer aucun profit ; avec telles autres, vous mettrez directement en lumière des lois précises. On pourrait citer ainsi dans l’histoire de la physique bien des choix malheureux qui ont retardé d’importantes découvertes ; on peut citer aussi d’heureux hasards. Nous en trouverions au besoin un exemple dans la première des lois de Kepler, dont nous citions tout à l’heure la seconde. Lorsque Kepler chercha la loi du mouvement d’une planète sur son orbite, il prit pour variables d’une part le temps, d’autre part les aires décrites par le rayon vecteur. Il eût été tout aussi naturel, plus naturel peut-être, de chercher une relation entre le temps et l’une des variables indiquées précédemment, c’est-à-dire la longueur du rayon ou son inclinaison sur le périhélie. Si Kepler eût pris ce parti, il n’eût trouvé aucune relation simple entre les valeurs numériques qui résultaient de ses observations et de celles de Tycho-Brahé ; la liaison de ces valeurs eût été dissimulée sous des relations si compliquées, qu’elle n’aurait pu être mise en évidence. Au contraire, grâce aux variables qu’il avait choisies, Kepler put remarquer facilement que les valeurs numériques qui représentaient les temps et celles qui représentaient les aires formaient deux séries proportionnelles. Ainsi était mise en relief cette grande loi de l’astronomie