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s’égare, de retrouver son chemin. Nous allons entrer dans une région beaucoup plus obscure et plus dangereuse en nous occupant-des phénomènes électriques.


VII

Qu’est-ce que l’électricité ? Que devons-nous penser de cette conception vulgaire qui repose sur le jeu d’un fluide positif et d’un fluide négatif ? Y a-t-il réellement deux fluides électriques ? Y en a-t-il même un seul ? Nous posons ces questions ; mais si l’on se reporte aux prémices de notre travail, on ne peut guère douter des réponses que nous allons y faire. Et d’abord la dualité des fluides ne peut plus nous apparaître que comme un symbole. Nous pouvons même nous demander si elle à jamais eu les apparences de la réalité. Elle a tous les caractères d’une fiction d’analyse, elle transporte immédiatement l’esprit dans les régions mêmes de la mécanique : c’est en mécanique qu’on appelle les mouvemens positifs ou négatifs suivant qu’ils ont lieu dans un sens ou dans l’autre. L’hypothèse de la dualité des fluides se résout ainsi d’elle-même en une conception mathématique. Y a-t-il du moins un fluide spécial auquel il faille attribuer les propriétés électriques ? Il conviendrait sans doute d’apporter ici d’abord les élémens d’une réponse et de ne décider cette question qu’avec réserve ; mais nous n’en sommes plus à montrer que nous avons banni toute vaine prudence : nous n’hésitons donc pas à reléguer de prime abord le fluide électrique hors de la science et à l’envoyer rejoindre, parmi les défroques du passé, le fluide calorifique, le fluide lumineux et tant d’entités anciennes. Quant au magnétisme, disons une fois pour toutes que nous pouvons le négliger, car l’enseignement classique a depuis longtemps ramené au même principe les phénomènes magnétiques et les phénomènes électriques : un aimant permanent ou temporaire est le siège d’une série de petits courans orientés dans une même direction. Voilà le terrain déblayé, et la question se pose maintenant pour nous en ces termes : l’électricité est-elle un mouvement de l’éther ? est-elle un mouvement de la matière pondérable ? est-elle un mouvement de l’un et de l’autre ? Enfin quelle est la nature de ce mouvement ?

Avant d’aborder ces problèmes, nous voulons signaler deux points importons, indiquer deux pas décisifs qu’il est urgent de faire dans l’étude de l’électricité. Les phénomènes électriques ont été examinés avec beaucoup de soin depuis quelques années ; un grand nombre de petits faits ont été recueillis, mais ils ne présentent que confusion, ils ne se groupent pas et s’éclairent mal les uns les