Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les lois caractéristiques de l’état gazeux. Les lois de Mariotte, de Gay-Lussac, de Dulong et Petit ont eu une destinée singulière. Trouvées à une époque où les procédés d’expérimentation étaient loin de la perfection qu’ils ont acquise depuis, elles furent d’abord regardées comme absolument exactes et applicables en toute rigueur aux différens gaz. Lorsque se produisit ce mouvement d’amélioration dans les méthodes expérimentales auquel s’attache en France le nom de M. Victor Regnault, ces lois, jusque-là si respectées, furent mises en défaut dans des cas nombreux ; on en vint à les suspecter, du moins on fut réduit à les considérer comme des formulés empiriques qui représentaient seulement d’une manière approchée la marche générale des phénomènes. Aucune conception théorique ne rendait compte en effet des perturbations nombreuses que les mesures précises des physiciens mettaient en évidence ; mais maintenant nous voyons pourquoi les gaz n’obéissent qu’imparfaitement à la loi de Mariotte et à ces autres lois que nous venons de rappeler. Pour les établir, nous avons dû supposer que toutes les molécules pouvaient être considérées comme animées sans cesse d’un mouvement rectiligne et uniforme, et nous avons regardé comme insensible la durée des époques où ce mouvement était troublé. Si cette durée devient appréciable tout en restant très petite, les raisonnemens que nous faisions ne pourront plus être répétés en toute rigueur. On voit la source de tant de dérogations aux lois anciennes, on voit même que l’état gazeux parfait n’est en quelque sorte qu’un idéal qui n’est guère réalisé dans la pratique. L’hydrogène paraît y arriver tout à fait, l’oxygène et l’azote, par conséquent l’air atmosphérique, l’atteignent à peu près ; mais déjà l’acide carbonique s’en écarte sensiblement. Quant aux vapeurs, elles ne se comportent comme des gaz qu’autant qu’elles sont très loin de leur point de liquéfaction.

Il y a donc très peu de gaz parfaits, mais ils nous fournissent des enseignemens précieux en nous montrant la matière tout à fait dégagée de ces forces attractives qui compliquent les phénomènes moléculaires. Quand nous chauffons un mètre cube d’air en laissant la pression constante, toute la force vive que le gaz reçoit est employée à augmenter son volume d’un 273e pour chaque degré de température. Quand au lieu de laisser la pression constante nous empêchons le gaz de se dilater, quand tout en le chauffant nous l’obligeons à rester enfermé dans un mètre cube, toute la force vive acquise par l’air est employée à augmenter sa pression d’un 273e par chaque degré. Si la température initiale était celle de la glace fondante, à 273 degrés la pression de l’air a doublé. La même loi se vérifie au-dessous de zéro : si au lieu de chauffer