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aucune puissance, le mouvement calorifique y reste sans antagoniste, et on peut l’y observer dans son intégrité.

Si nous refroidissons un gaz, si nous lui faisons perdre une partie de sa force vive, l’énergie et l’amplitude des excursions moléculaires iront en diminuant ; il viendra un moment où chaque molécule sera comme emprisonnée par ses voisines et obligée d’osciller suivant une courbe fermée : le gaz sera devenu un liquide. Par le fait seul du rapprochement des molécules, les forces attractives ont repris de l’empire et ont détruit en partie la mobilité du système ; la gravité, trop faible auparavant, se fait maintenant sentir, et les molécules sont obligées de se grouper de manière à présenter une surface parallèle à l’horizon. Le long de cette surface, elles ne sont engagées que par un de leurs côtés dans leurs nouveaux liens ; de l’autre côté, leurs mouvemens demeurent libres, et elles trouvent une facilité spéciale pour retourner à leur ancien état : une évaporation se produit donc par la surface. Dans le reste de la masse d’ailleurs, les molécules jouissent encore d’une liberté relative ; elles sont enfermées dans des orbites restreintes, mais leurs axes de rotation continuent à être dirigés dans tous les sens ; elles peuvent ainsi en quelque sorte rouler les unes sur les autres. De plus les liens qui limitent leur excursion cèdent au moindre effort, et toute la masse peut être mélangée sans difficulté.

Continuons le refroidissement : les molécules se rapprochent encore ; elles entrent, comme on dit, dans la sphère d’action l’une de l’autre, et elles y demeurent ; leurs axes de rotation se redressent et prennent une direction commune ; le corps est passé à l’état solide. Dans ces conditions, les molécules oscillent encore ; mais elles ne peuvent plus, sans effort extérieur, sortir du cercle où les retiennent leurs voisines.

En décrivant la manière dont les corps changent d’état, nous venons de mettre en scène les forces attractives. Après les déclarations répétées que nous avons déjà faites, nous pourrions presque nous dispenser de dire que ces forces ne sont pour nous que des symboles sous lesquels se cachent des phénomènes ordinaires de mouvement. Nous serons amené, avant de terminer ce travail, à considérer dans leur ensemble ces forces attractives que nous admettons en ce moment sous bénéfice d’inventaire. Donnons cependant dès maintenant à leur égard une indication rapide, afin de ne pas rester en plein mystère. C’est une conséquence nécessaire de la rotation des molécules qu’elles entraînent avec elles dans leur mouvement un certain nombre d’atomes éthérés ; elles sont aussi enveloppées d’une sorte d’atmosphère dont le rayon peut varier suivant les circonstances, et qui représente à peu près ce que nous appelions