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moyen de salut : l’amiral autrichien, qui avait eu le tort de s’aveugler de fumée, manque son attaque de choc et passe avec sa première division dans les intervalles des bâtimens italiens. Ce qu’il y avait à faire est palpable : jetons les yeux sur l’amiral Tegethof, qui tient si bien en main sa division ferrée, la précipite au feu, l’en retire, l’y ramène avec une promptitude de coup d’œil et d’exécution qui saisit. Si l’on veut, en dehors des causes primordiales, chercher la raison du résultat de cette journée, on dira : Les Autrichiens comprirent la toute-puissance du choc, les Italiens ne la soupçonnèrent même pas ; encore faut-il noter que dans ce grand jeu l’amiral Tegethof seul a réussi. Le contre-amiral Vacca eut une lueur d’inspiration ; que ne fit-il front brusquement et à toute vitesse ? Il aurait jeté le désordre dans la division des frégates ennemies.

Mais, en vérité, discuter les opérations de la flotte italienne, c’est se jeter dans le vide ; les hommes ont rendu nuls tous ces redoutables engins de guerre si chèrement achetés (le Re-d’Italia seul avait coûté 8 millions de francs). Nous n’en pouvons même pas tirer une appréciation sur la résistance des plaques de cuirasse aux gros projectiles ; presque tous les coups se sont perdus dans l’air ou dans l’eau. Où est la trace des onze coups de gros calibre tirés par l’Affondatore ? Dans sa poursuite du Kaiser, l’amiral Persano semble frémir à l’idée de donner un coup de son éperon à ce pauvre vieux vaisseau à demi désemparé. Quant aux Autrichiens, ce n’est pas leur faute si leur pauvre artillerie et ses quatre mille coups de canon, même avec le tir convergent, ne produisirent guère plus d’effet sur l’ennemi qu’autrefois les volées de pierres sur les galères des Romains et des Grecs. Reconnaissons cependant que, par cette énorme quantité de poudre prodiguée sur le champ de bataille, elle a réussi à envelopper les divisions en bois d’un nuage protecteur, comme la sèche sans défense trouble l’eau d’un liquide rougeâtre pour échapper à l’ennemi qui la menace.

Le double désastre du Re-d’Italia et du Palestro nous donne cependant quelques enseignemens. Nous ne parlons pas de la nécessité évidente d’abriter le gouvernail ; mais, en mesurant la pénétration du Max dans les flancs du Re-d’Italia, on a mis hors de doute que les plaques de cuirasse de ce dernier bâtiment ont elles-mêmes été enfoncées par le choc, effet que jusque-là personne n’eût osé affirmer. Les soixante-quatre pieds carrés de surface qu’offrait la blessure étaient pris non pas seulement dans la partie en bois inférieure à la cuirasse, mais aussi dans cette cuirasse elle-même. Un fait remarquable encore, c’est l’inclinaison à 45 degrés qu’a subie sous le choc le navire abordé, et qui explique cette large entaille descendant plus qu’on n’aurait pu croire dans la partie inférieure