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populaire de son pays, si toutefois ce nom peut encore s’appliquer à l’Autriche.

Résumons les destructions : sur l’escadre autrichienne, on compta en tout 136 hommes hors de combat, et dans ce nombre le Kaiser en fournit à lui seul 105, soit 31 pour les vingt-six autres bâtimens. Quant aux avaries, la rupture du mât de beaupré du Kaiser, qui entraîna la chute de son mât de misaine et par suite la ruine de sa cheminée, est due au choc qu’il dirigea sur le Re-di-Portogallo, de même que le Max, en plongeant son taille-mer dans le flanc du Re-d’Italia, eut ses plaques d’étrave rebroussées et quelques boulons arrachés, d’où une faible voie d’eau ; mais l’effet des boulets italiens fut presque nul. Quatre canons seulement furent mis hors de service dans l’escadre entière ; le Don-Juan n’a sur ses plaques que deux traces légères de projectiles, et ses deux joues en bois traversées par un boulet de 300 qui fit seulement son trou ; le Dalmat a l’angle d’une plaque légèrement endommagé et quelques marques de coups d’obus. Et c’est tout. — Sur la flotte italienne, en mettant de côté le Re-d’Italia, où 400 hommes furent noyés, et le Palestro, dont l’explosion en fit périr 230, on ne trouve que 99 hommes hors de combat. Le Re-di-Portogallo reçut quelques avaries dans son raclement avec le Kaiser. Ainsi son gréement fut presque en entier haché, son plat-bord à l’arrière rasé sur une longueur de cinquante pieds, seize mantelets de sabord emportés avec ses daviers, ses hublots, ses embarcations, en un mot tout ce qui faisait saillie hors du bord ; mais le choc n’ébranla pas la machine, et l’effet de l’artillerie autrichienne, même avec son tir convergent fidèlement exécuté par tous les navires, fut impuissant contre les cuirasses, pas une seule n’a été sérieusement endommagée[1]. Quelques obus seulement en perçant les murailles non blindées, ainsi que cela eut lieu à bord de l’Ancona, en pénétrant par l’ouverture des sabords ou en éclatant sur leurs arêtes, firent un peu de ravage. En un mot, quand les deux flottes se séparèrent, elles étaient toutes deux parfaitement en état de recommencer le combat.

Les leçons naissent d’elles-mêmes pendant tout le cours de ce récit : la première et la plus haute, mais qui n’est malheureusement qu’un lieu commun inutilement rebattu, c’est que les souverains, rois, chefs de république ou d’empire, feraient bien de n’admettre dans leurs conseils, surtout à la tête des grands services militaires, que des hommes capables d’organiser la victoire, et on

  1. Notons, comme un fait singulier et digne de fixer l’attention, que l’explosion des obus sous la flottaison a soulevé les plaques au point où la cuirasse se joint aux bordages de la carène.