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le système représentatif a été trouvé dans les bois de la Germanie.

En fait de liberté politique, l’honneur des races latines, comme on dit aujourd’hui, est déposé pour une bonne part entre les mains de l’Italie. Notre espérance est qu’il n’y périra pas. Ce que les censeurs même de l’Italie sont obligés de louer en elle, c’est sa fidélité à l’esprit de ces institutions. Qu’elle persévère, et qu’assurée désormais de son indépendance, délivrée de cette menace d’une guerre toujours possible, dernière espérance de ses ennemis, elle se montre digne de cette fortune inouïe : créer à la fois l’indépendance, la liberté, un gouvernement ! Devant une œuvre aussi grande, qu’est-ce que des difficultés parlementaires et des embarras financiers ? C’est à l’esprit droit et sensé des Italiens de surmonter les unes, c’est à leur dévouement patriotique de triompher des autres.

L’Autriche, dont nous avons parlé sévèrement, victime des fautes d’une politique dont son gouvernement est l’héritier plus encore que l’auteur, l’Autriche, qui a durement expié l’ambition qu’elle n’a plus de peser sur le monde, et qui se demande peut-être ce qu’elle a fait pour être si rigoureusement punie, doit avoir enfin satisfait aux ressentimens demi-séculaires des nations. Ramenée à la conscience de ses intérêts véritables, elle doit songer à donner aux forces immenses qui lui restent une valeur d’unité qui leur a manqué jusqu’ici, et former entre les nationalités diverses dont se compose son empire le plus solide des liens, celui de la liberté commune. Ainsi elle attirera à elle cette Allemagne du sud, hésitante et humiliée, et elle se rapprochera de plus en plus de la France, que rien ne sépare d’elle désormais, de la France, qui tient à la voir forte et prospère, et à qui ses vues en Orient ne peuvent porter aucun ombrage. Plus l’Autriche restera séparée de l’Allemagne du nord, plus elle doit compter sur la France.

Sans nier que la réputation gagnée en si peu de temps par l’armée prussienne impose à la France un nouvel examen de ses institutions militaires, pourvu qu’elle y procède avec prudence, sans engouement ni précipitation, nous soupçonnons que le danger d’une rivalité guerrière peut être pour longtemps conjuré, si nous cherchons au-delà du Rhin moins nos ennemis que nos alliés. Nos alliés, ce sont les libéraux des provinces prussiennes comme de toutes celles de la confédération nouvelle. Ceux-là ne souffriront pas que la régénération de l’Allemagne soit confisquée par le militarisme et l’absolutisme. C’est à nous d’encourager, de soutenir leurs efforts par les témoignages de nos espérances et de nos sympathies, heureux si nous savions encore les encourager par nos exemples.