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incendies dans les flancs ? Au choc seulement son beaupré fut emporté, par suite le mât de misaine tomba sur la cheminée et l’écrasa ; des flammes en sortirent qui firent croire qu’il était en feu ; il y eut un grand désordre que le sang-froid du capitaine calma bientôt. Cet habile officier sut prévenir l’incendie, déblayer les débris qui l’encombraient et menaçaient d’amener sa perte en paralysant son hélice et son gouvernail puis, glissant entre les navires, il se retira lentement du champ de bataille et fit route vers Lissa. Il comptait vingt-deux morts et quatre-vingt-trois blessés ; un seul obus de 300, dit-on, éclatant dans une de ses batteries, lui avait tué vingt hommes et mis un canon hors de service. L’Affondatore, qui le vit s’éloigner, le suivit, le canonnant par intervalle et maladroitement de ses gros projectiles ; une première fois il tenta de frapper le vaisseau de son long éperon, le frein du gouvernail qui s’abattit fit manquer la manœuvre. Le bélier, après une longue périphérie de dix minutes au moins, revint à la charge ; mais le capitaine du Kaiser, toujours habile, au lieu de recevoir le choc, couvrit ce nouveau-venu des batailles d’une grêle de boulets plongeans qui percèrent son pont et pénétrèrent jusque dans les cabines ; ensuite, dirigeant un feu vif de mousqueterie contre les matelots italiens empressés à réparer les avaries et à saisir l’ancre qui, par la rupture de ses bosses, battait les flancs du monitor, il le força d’abandonner la poursuite.

Les frégates en bois et les canonnières autrichiennes franchirent comme elles purent la ligne italienne, les unes la contournant en queue, les autres par les intervalles des bâtimens ou par les brèches ouvertes, tirant du canon toutes les fois qu’elles en trouvaient l’occasion. L’habile, quoique incomplète manœuvre du contre-amiral Vacca, n’eut pas le succès qu’elle semblait mériter ; la lenteur de son mouvement de contre-marche lui fit manquer les frégates, et, soit que la fumée l’ait empêché de voir où devaient porter ses coups, soit qu’un certain entrain de bataille ait manqué à ses capitaines, il traversa la troisième division de l’ennemi sans marquer son passage par la destruction. Les petites canonnières de l’Autriche se vantent aujourd’hui de s’être jouées de ses gros cuirassés par une manœuvre analogue à celle de la perdrix qui fait la blessée pour donner le change au chasseur et l’écarter de sa couvée.

Que faisaient cependant le vice-amiral Albini et sa belle escadre de huit frégates ? Après avoir repris à bord le personnel et le matériel de débarquement, il se forma en ligne à 1,500 ou 1,800 mètres du champ de bataille, le cap au nord-ouest, tranquille spectateur du combat. Quand il vit les trois premiers cuirassés de l’amiral Tegethof percer la ligne italienne, il pensa que c’était à lui qu’on en voulait et prudemment appuya à gauche. Un instant, au plus fort