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4,500 tonneaux animée d’une vitesse de onze nœuds et demi, et enfonça l’avant de sa frégate dans le flanc gauche de l’ennemi, brisant tout, plaques et matelas de cuirasse, bordages et varangues, sur une surface de soixante-quatre pieds carrés ; puis, renversant le mouvement, il recula. Ses canonniers, bien qu’avertis de faire ferme sur leurs pieds, tombèrent sous la secousse ; mais la machine ne broncha pas. Au choc, le Re-d’Italia s’inclina lentement d’environ 45 degrés sur tribord, et son commandant, qui crut d’abord à une simple attaque à l’abordage, appelait déjà l’équipage sur le pont, quand le navire, revenant sur lui-même au moment où le Max s’en détachait à reculons, plongea son effroyable blessure béante dans la mer qui s’y précipita comme un torrent, et en moins de deux minutes s’engouffra dans un abîme de deux cents brasses de profondeur. Quatre cents hommes y périrent. Les hommes qui eurent le temps de se déshabiller et la présence d’esprit de se jeter à Veau par tribord purent flotter et nager ; ceux qui tombèrent du côté entr’ouvert furent engloutis, aspirés par le tourbillon. Il était dix heures trois quarts.

Quant au Palestro, dont les boulets autrichiens battaient à coups multipliés les flancs cuirassés sans plus d’effet que des coups de marteau sur une enclume, il résista longtemps, évitant habilement les chocs. Malheureusement un obus qui perça la partie non cuirassée de sa muraille fit éclater un incendie dans le carré des officiers, près de la soute aux poudres ; à la vue de l’embrasement, l’ennemi épouvanté s’écarta.

Le San-Martino, non moins habile à la manœuvre et plus heureux, sut éviter les coups de bélier et échappa aux obus ; mais il n’infligea à l’ennemi aucun désastre.

Pendant ce temps, tout marchait, ligne italienne et divisions autrichiennes : le groupe d’arrière-garde, Re-di-Portogallo, Maria-Pia et Varese (qui avait enfin rallié), s’était avancé et rencontrait la division des frégates en bois que menait le Kaiser. Aux trois italiens vint se joindre l’Affondatore, et tous, comme d’instinct, s’attaquèrent au vaisseau. Ce vieux représentant d’une belle marine ou s’efface, entouré de tous les côtés, fit feu à outrance de ses quatre-vingt-dix canons : puis, ne voyant aucune issue, après avoir déchargé ses deux bordées contre les bâtimens qu’il avait par son travers, se précipita comme un bélier sur le Re-di-Portogallo. Celui-ci d’un coup de gouvernail évita le choc normal ; mais les deux navires se heurtèrent par la joue, se raclèrent dans toute leur longueur, et l’autrichien reçut à bout portant, sans pouvoir en rendre un seul, les coups de canon successifs de la bordée entière de l’ennemi. Comment ne fut-il pas frappé à mort ou tout au moins de dix