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débarquement, on ne pourrait plus manœuvrer les canons. Du reste le retour du commandant Sandri vint couper court à toutes ces velléités de combat : les fils télégraphiques de Lissa étaient coupés ; mais il avait appris qu’une dépêche de l’amiral Tegethof, parvenue quelques instans auparavant au commandant de l’île, contenait ces mots : « tenez ferme jusqu’à ce que l’escadre puisse vous arriver. » Sous cette menace, l’opération fut différée. Ici, on se demande si l’amiral Persano ne se croyait pas obligé de jouer son rôle devant l’attaché législatif, comme autrefois les généraux de la république devant les commissaires de la convention, comme de nos jours dans les gouvernemens autocratiques devant certains agens secrets, mais non moins accrédités et dangereux.

Le lendemain, 19 juillet, le monitor l’Affondatore, deux frégates à hélice et une corvette à roues rallièrent, venant de Brindisi et d’Ancône avec des troupes ; ce qui faisait monter à 2,200 hommes le corps de débarquement. L’amiral, troublé peut-être dans son jugement par l’exaltation du député Boggio, qui ne songeait qu’à « faire flotter au plus vite la glorieuse bannière de l’Italie sur les ruines des forts autrichiens, » se flatta qu’en précipitant l’opération sur Lissa il diminuerait les chances d’être surpris par la flotte ennemie ; il ordonna donc sur-le-champ à l’escadre non cuirassée, renforcée des petites canonnières, de se préparer au débarquement dans Porto-Carober, sous la direction du vice-amiral Albini, — à la Terribile et à la Varese d’aller occuper la garnison de Porto-Camisa, — à la Formidabile de pénétrer dans le port pour en écraser les batteries, — au contre-amiral Vacca de soutenir avec ses trois frégates l’attaque de la Formidabile, — aux autres cuirassés de se ranger sous le commandant en chef pour empêcher les ouvrages de San-Giorgio de troubler le débarquement dans le cas où l’ennemi y aurait relevé quelques canons.

Il était trois heures et demie quand la nouvelle attaque commença.

La Formidabile, qu’appuyait l’Affondatore, prit position à moins de 300 mètres de la puissante batterie de la Madona, qui l’accueillit par un feu bien nourri et bien dirigé, en même temps que d’autres petits ouvrages battaient son flanc. Le contre-amiral Vacca pénétra bien un instant dans le port ; mais, n’y pouvant pas manœuvrer, il en sortit sans même s’être attaqué à la Madona, que masquait entièrement la Formidabile. Cette forte, quoique peu gracieuse corvette, après être restée pendant une heure seule devant la batterie qu’elle ne sut pas réduire, se retira ayant cinquante-cinq hommes hors de combat, son gréement haché, ses embarcations brisées, ses bastingages en partie démolis, sa cheminée