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outre une certaine activité commerciale ; mais c’est surtout comme point militaire qu’elle a de la valeur. En 1811, une flottille franco-italienne de onze bâtimens, sous les ordres du capitaine Dubourdieu, vint la disputer, mais sans succès, à une division anglaise de quatre frégates que commandait le commodore Hoste : on voit encore les tombes des officiers anglais tués dans ce combat de six heures, tombes que les boulets italiens n’ont pas respectées. Ses côtes sont accores, mais on y trouve trois mouillages : Porto-Camisa à l’ouest, Porto-Manego au sud-est et Porto-San-Giorgio il deux milles dans l’ouest de sa pointe nord-est. Ce dernier seul a quelque importance ; là est la ville, autrefois oppidum romain, avec 2,500 habitans, au fond d’une sorte de crique étendue d’un mille au sud-ouest et large d’un demi-mille, mais rétrécie par un îlot jusqu’à n’avoir plus que 800 mètres à l’entrée, qui s’ouvre au nord-nord-est. L’amiral Persano n’emmenait au départ que vingt-sept bâtimens ; le reste de sa flotte ainsi que les troupes de débarquement devaient successivement le rejoindre. Il expédia son chef d’état-major, d’Amico, sur l’aviso le Messagiere pour reconnaître la force de l’île, et fit route au nord vers Lossino jusque assez avant dans la nuit, afin de donner le change à l’ennemi. Le Messagiere, sous pavillon anglais, remplit sa mission, et le 17, au coucher du soleil, rallia la flotte au point de rendez-vous, annonçant que San-Giorgio, Porto-Camisa et Porto-Manego étaient fortifiés et défendus par une garnison de 2,000 à 2,500 hommes. Le chef d’état-major était d’avis qu’on avait assez de forces pour tenter l’entreprise ; le vice-amiral Albini, qui vint le soir trouver le commandant en chef, s’efforça de l’en dissuader, soutenant que « Lissa était le Gibraltar de l’Adriatique. » L’amiral Persano, dont les ordres étaient pressans, bien qu’il eût objecté que les troupes qu’on mettait à sa disposition ne suffisaient point pour en prendre possession, décida qu’on attaquerait sans retard.

A l’entrée de la baie, sur le côté droit, le fort San-Giorgio et trois vieilles tours à la Martello, construites en 1812 par les Anglais, croisent leurs feux avec ceux d’une batterie barbette située en face sur le côté gauche ; au fond du port, la puissante batterie casematée de la Madona, appuyée d’autres ouvrages moins importans, balaie le mouillage. Porto-Camisa et Porto-Manego n’ont que des batteries placées sur des points élevés. L’ensemble de la défense présentait un front de près de cent canons. L’armée, appelée à l’ordre par un signal, connut bientôt les résolutions de son chef : l’amiral lui-même avec huit frégates cuirassées mènerait l’attaque principale contre les ouvrages fortifiés de San-Giorgio ; — afin de faire diversion et d’occuper sur tous les points la garnison de l’île, le