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portaient chacun deux canons Armstrong de 300,10 obusiers de 80 et 24 canons de 30 frettés[1] et rayés, avec des projectiles d’acier de 45 kilogrammes. La Formidabile et la Terribile, outre leurs canons de 30 frettés et rayés, étaient armées de 4 obusiers de 80 frettés, lançant des cylindres de 60 kilogrammes, et ainsi des autres bâtimens. Quant au monitor à éperon l’Affondatore, l’armement de sa tourelle consistait en deux canons Armstrong de 300 livres, et telles étaient les préventions en faveur de ce bâtiment, qu’au moment où il quitta les côtes de la Manche on le croyait à lui seul capable de couler bas toute l’escadre autrichienne. La même inégalité se montre encore dans la construction. Les navires autrichiens grossièrement bâtis, grossièrement cuirassés, n’avaient que des plaques dont les plus fortes ne dépassaient pas douze centimètres d’épaisseur ; pas d’éperon, car on ne s’avisera pas de donner ce nom à leur taille-mer, formé par la réunion des plaques de côté qui se rejoignaient en biseau à l’avant. L’Affondatore, de construction anglaise, avait un éperon de 9 mètres de saillie. Le Re-d’Italia et le Re-di-Portogallo, bâtimens jumeaux construits en Amérique, portaient des cuirasses de 14 centimètres sur matelas en bois de 0m 60, dont l’avant, quoiqu’il ne fût pas taillé en éperon, était d’une seule pièce, et leur batterie s’élevait à 2m 50 au-dessus de la flottaison. La Formidabile et la Terribile, corvettes sœurs, sorties des ateliers de France, avaient des plaques de 12 centimètres du meilleur métal, sur matelas en bois de 0m36, avec enveloppe intérieure de 0m03, et projetaient à l’avant un éperon de près de 2 mètres de saillie. Douées d’ailleurs d’une grande vitesse (12 nœuds à l’heure), larges, courtes et évoluant rapidement, elles étaient réellement de formidables instrumens de combat. Tout ce qu’on eût pu leur reprocher, c’était de n’avoir pas assez de hauteur de batterie. Hâtons-nous cependant de signaler des défauts qui diminuaient un peu cette toute-puissance : le Re-d’Italia et le Re-di-Porlogallo laissaient à découvert, exposé aux boulets de l’ennemi, leur gouvernail sur 2 mètres de sa longueur, circonstance funeste qui n’a peut-être pas été étrangère à la perte du premier, et sept autres bâtimens n’étaient qu’en partie cuirassés, c’est-à-dire que l’avant et l’arrière étaient livrés aux moyens incendiaires de l’ennemi ; le Palestro semble avoir été la victime de cette disposition fatale.

Pour un observateur inattentif, le résultat de la rencontre de deux forces si inégales ne pouvait être un instant douteux ; les Italiens devaient écraser leur ennemi. Aussi d’un bout à l’autre de

  1. On appelle frettés les cercles d’acier qui servent à consolider la calasse du canon en fonte de fer.