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Une seule chose faisait défaut, mais bien importante, qui ne s’achète pas, qui ne s’improvise pas, nous ne l’avons que trop bien appris pendant les guerres de la révolution et du premier empire, que les nations n’acquièrent qu’au prix de grands sacrifices et de soins : un corps suffisamment nombreux d’officiers, trempés à la vie de mer, exercés et pénétrés de ce sentiment intime de la discipline, de la solidarité et de l’honneur, qui fait l’âme des armées navales. Le gouvernement italien, s’il prévoyait une guerre prochaine, ne devait rien épargner pour hâter la préparation de cet élément indispensable de la puissance maritime, élément sans lequel les autres perdent presque toute leur valeur.

À cette force en apparence formidable, que pouvait opposer la pauvre Autriche, sans argent, sans crédit, n’ayant pour matelots que des Vénitiens et des Dalmates qu’on disait désaffectionnés et prêts à trahir ? Cependant l’archiduc Maximilien, qui était à la tête des affaires de la marine, ne désespéra pas. Il se dit que, puisque le directoire de la république française, à la fin du siècle, dernier, avait su « avec ses guenilles faire trembler l’Europe, » l’Autriche pouvait bien, en tirant parti de toutes ses ressources, vendre chèrement la victoire à ces Italiens si fiers de leur puissance improvisée avec l’argent et l’industrie de l’étranger. L’arsenal maritime de Pola est sa création. L’élan qu’il donna au département pendant les années qu’il en fut chargé permit au gouvernement autrichien, avec ses seules ressources (car les Autrichiens se vantent que leur matériel entier, navires, machines, cuirasses, canons, tout est de fabrique autrichienne), avec ses ouvriers, ses matelots de Dalmatie, avec ses fers de Styrie et les bois tirés de son sol, avec sa vieille artillerie, ses vieux navires qu’il coupa, répara et barda de fer sur le modèle d’une cuirasse française de 0m12 appliqué à la Salamander, et quelques bâtimens qu’il construisit dans ses ports, lui permit, disons-nous, de hérisser ses côtes de canons aux formes anciennes sans doute, mais desservis par des artilleurs bien exercés, enfin de réunir dans la rade de Pola, au moment où la guerre éclata, une escadre dont nous donnons ici la composition en parallèle avec celle de l’Italie :