Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

emploi. Candie a longtemps été une possession de Venise. Voilà Venise délivrée ; n’était-il pas naturel de voir les imaginations et les passions aventureuses en Italie reprendre leur antique essor vers les murs de l’archipel ? Qu’il en arrive ainsi un jour, personne n’en devra être surpris : le peuple italien a un grand rôle à jouer dans les affaires d’Orient ; il les a sous la main. La géographie, le commerce, les souvenirs du passé l’y appellent ; mais l’heure politique de la dernière croisade n’a point encore sonné. Pour le moment le gouvernement italien est l’allié des puissances occidentales, et pas plus qu’elles n’est intéressé à fomenter l’agitation des chrétiens du Levant. L’Italie a d’ailleurs le droit et le devoir de se reposer. Des épisodes heureux se succèdent pour elle depuis la paix. L’incorporation de la Vénétie, le plébiscite, ont été pour l’aimable population du Vénitien l’occasion de toute sorte de manifestations gracieuses et touchantes. Le clergé lui-même, l’épiscopat en avant, sourit à, l’unité nationale et au roi patriote que nos évêques ont accablé de si hargneux anathèmes. Venise va redevenir en Italie la ville du plaisir et de l’art : que la jeunesse du présent et de l’avenir se réjouisse, on se masquera encore à Venise ; mais il n’y aura plus d’inquisition d’état, et les patriciens ne tailleront plus de banques au Ridotto. Un autre sujet de satisfaction pour les Italiens, c’est le succès tout à fait inattendu de leur emprunt forcé. Les premiers versemens ont dépassé le chiffre des sommes exigées. Quand on compare le prix d’émission de cet emprunt au cours actuel des fonds, on voit que les Italiens ont le rare patriotisme de payer une différence à leur détriment comme une sorte de taxe extraordinaire. Il reste encore au gouvernement de Florence d’en finir avec la question financière liée à la convention du 15 septembre. On sait que par cette convention le gouvernement italien est tenu de se charger de la portion des dettes pontificales afférentes aux provinces du saint-siège qui ont été réunies au royaume. Le saint-siège eût voulu que les intérêts qu’il a payés aux porteurs de cette dette depuis les annexions lui fussent remboursés. Exprimée en chiffres, la prétention montait à 25 millions. C’est pour arriver à une entente qu’un fonctionnaire élevé du ministère des finances d’Italie est venu à Paris. On assure que l’on transigera pour la moitié de la somme réclamée.

Les dernières nouvelles électorales des États-Unis ne laissent plus de doute sur l’échec complet du président Johnson. La reconstruction ambiguë de l’Union recommandée par le président et soutenue par les démocrates est désavouée sans appel par le peuple du nord. Le peuple américain veut que la question pour laquelle on s’est battu soit résolue radicalement et à jamais ; il veut que les vainqueurs soient les vainqueurs et les vaincus les vaincus. En laissant subsister les anciennes lois électorales des états du sud suivant lesquelles le chiffre des représentans était proportionné à la population noire, qui cependant ne votait point, on rendait possible des intrigues et des coalitions nouvelles entre les esclavagistes du sud et les démocrates du nord, on s’exposait à voir rétablir par des exceptions civiles