Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devrait être un sujet de souci pour des hommes dignes de gouverner la France. Il ne serait point impossible que le gouvernement fût amené à reconnaître un jour par la force des faits ce qu’il y a pour lui de dommageable dans la taciturnité et la stérilité de la presse française.

Les rumeurs qui avaient circulé sur une convocation anticipée des chambres sont aussi dénuées de fondement que les bruits de crise ministérielle. La prérogative de la discussion de l’adresse ne sera point retirée aux chambres, comme quelques-uns l’avaient prétendu. Nous ne sommes point partisans, nous l’avons dit dès le décret du 24 novembre, de la forme de discussion qui s’est introduite dans les usages parlementaires français à propos de la réponse des chambres au discours de la couronne. Mettre ainsi en tas au début de la session toutes les questions générales et les discuter pêle-mêle au hasard des paragraphes de l’adresse nous paraît un procédé illogique et contraire à l’esprit pratique des institutions représentatives. On accusait autrefois notre régime parlementaire d’être une servile copie des institutions anglaises. Les différences entre les deux régimes se présentaient en foule aux yeux de ceux qui connaissaient la constitution britannique. Une des plus frappantes était justement dans la façon dont l’adresse était traitée dans les deux pays. En Angleterre, point de commission nommée pour examiner le discours de la couronne, pas de discussion de paragraphes ; l’adresse rédigée d’avance et proposée par un membre du parti ministériel, une simple conversation effleurant les points principaux de la harangue royale, le tout terminé par un vote de courtoisie et finissant dans la même soirée, voilà la conciliation pratique d’une vieille forme parlementaire avec l’intérêt de l’expédition des affaires publiques. En France, le long débat de l’adresse a été inventé par des gens qui ne se doutaient point du véritable esprit du gouvernement représentatif, ou qui voulaient faire prendre en dégoût le régime parlementaire. Cependant, puisque nos chambres ont peu d’autonomie politique, puisqu’elles n’ont ni le droit d’initiative, ni le droit d’interpellation, qui sont à l’usage de tous les membres du parlement anglais sans aucun assujétissement au vote préalable des majorités, puisque le champ du débat politique est exclusivement circonscrit chez nous à l’adresse et au budget, l’abrogation de cette coutume eût été fâcheuse. La présence au fauteuil de la présidence du corps législatif de M. le comte Walewski, qui a contre-signé le décret du 24 novembre, était une garantie contre les bruits qui attribuaient au gouvernement la pensée de restreindre les prérogatives parlementaires.

Le premier travail de notre nouveau ministre des affaires étrangères, M. de Moustiers, devait être naturellement un mouvement du personnel diplomatique, puisque son arrivée au ministère laissait vacant le poste de Constantinople. On assure que ce poste est destiné à M. Bourée. Il eût été difficile de faire un meilleur choix dans l’état où se trouve l’Orient. M. Bourée se distingua, dès l’année 1840, dans un consulat de Syrie ; la