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général les sels d’argent employés en photographie noircissent d’abord sous l’influence des rayons violets, mais les rayons orangés continuent et achèvent l’œuvre commencée par les rayons violets. C’est l’effet combiné de ces deux sortes de rayons que l’on mesure par le procédé photographique. D’autres substances sensibles se colorent sous l’influence d’autres rayons : le bichromate de potasse est spécialement impressionné par les rayons verts et bleus ; la résine de gaïac s’oxyde et bleuit par l’action des rayons gris-lavande, mais les rayons jaunes et verts désoxydent et blanchissent le gaïac bleu.

Ces exemples suffiront pour montrer que l’action de la lumière sur les substances impressionnables est bien plus complexe qu’elle ne semble l’être à première vue. Enfin, en ce qui concerne l’influence des différens rayons sur les plantes, les opinions sont extrêmement partagées, et les résultats obtenus par divers expérimentateurs offrent de telles contradictions qu’il est difficile d’y faire un choix. Les expériences de M. Draper sont peut-être les mieux faites. Il remplissait d’eau chargée d’acide carbonique sept tubes de verre qu’il plaçait dans les différentes régions d’un spectre solaire après avoir introduit dans chacun une feuille de graminée longue et étroite. Au bout d’un certain temps, il mesurait l’oxygène dégagé dans ces tubes ; dans le jaune verdâtre, il en recueillit 36 centimètres cubes, dans l’orangé 20, dans les autres parties du spectre rien. De ces recherches et d’autres analogues, le chimiste américain a cru pouvoir conclure que ce sont les rayons compris entre l’orangé et le vert, c’est-à-dire les rayons les plus lumineux, qui déterminent plus spécialement la réduction de l’acide carbonique par la matière verte des feuilles.

Les expériences de M. Stokes ont prouvé, d’un autre côté, qu’une solution de chlorophylle absorbe de préférence les mêmes rayons, et tout porte à croire que la chlorophylle se comporte comme les feuilles elles-mêmes ; mais il faut rappeler ici que d’autres physiciens, M. Hunt par exemple, attribuent aux rayons bleus une influencé bienfaisante sur la germination et le développement des jeunes plantes, qui s’étioleraient au contraire sous l’influence des rayons jaunes et verts ; ces résultats ont été obtenus dans des serres couvertes de verres de couleur. En résumé, la question a encore besoin d’être éclaircie par des expériences plus nombreuses et plus décisives, qui feraient connaître avec certitude l’influence plus ou moins favorable que les rayons de différentes couleurs exercent sur l’évolution de la vie organique dans les plantes. Il faudrait déterminer d’une manière précise l’action qu’ils ont sur la germination, celle qu’ils exercent sur la respiration des feuilles en favorisant la réduction de l’acide carbonique fourni par l’atmosphère, celle par laquelle ils interviennent dans l’absorption de l’eau que les végétaux tirent de l’air et du sol, enfin la manière dont les rayons lumineux contribuent à la coloration des parties vertes du végétal et à la maturation des fruits. M. Niepce de Saint-Victor a vu se changer en sucre de l’amidon en suspension dans de l’eau mêlée d’un peu d’azotate