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en cherchant les points qui offrent des teintes égales. Pour se rendre compte des variations que subissent les épreuves, MM. Bunsen et Roscoe se servent d’une couleur inaltérable qu’ils ont trouvée dans un mélange de mille parties de blanc de zinc avec une partie de noir de fumée ; une épreuve qui ne pâlit plus offre cette nuance toujours au même point de la graduation. La condition la plus difficile à réaliser était la préparation d’un papier normal de sensibilité toujours égale ; après bien des essais et de longues recherches, MM. Bunsen et Roscoe sont cependant parvenus à remplir cette condition essentielle.

Les observations de photométrie météorologique se réduisent maintenant à exposer à la lumière une feuille de papier normal pendant un nombre de secondes comptées à la montre. On compare ensuite, dans une chambre éclairée par une flamme de soude, qui n’agit pas sur le papier sensible, l’épreuve obtenue avec l’épreuve étalon, afin de connaître la valeur de la teinte qui s’est produite. En divisant cette valeur par le temps d’exposition, on a l’intensité de la lumière qu’il s’agissait de déterminer. M. Roscoe a fait, par ce procédé, de longues séries d’observations sur le toit du collège Owen, à Manchester. De 1865 à 1866, M. Baker a déterminé de la même manière l’activité chimique de l’atmosphère à l’Observatoire de Kew, près Londres ; M. Thorpe s’est rendu tout exprès au Brésil pour faire quelques observations à Para, sur l’Amazone ; M. Baxendell a obtenu une série d’observations à Cheetham-Hill, près Manchester, et M. Wolkoff au sommet du Kœnigstuhl, près Heidelberg. La comparaison des résultats obtenus par ces différens observateurs conduit déjà à quelques conclusions intéressantes.

A Manchester, l’activité chimique relative de la lumière diffuse a été trouvée en général assez faible. Cela vient sans doute de l’atmosphère brumeuse du Lancashire, atmosphère dont le pouvoir absorbant est encore augmenté par la fumée dont la chargent d’innombrables fabriques. L’action varie quelquefois brusquement d’un jour à l’autre et même dans l’espace d’une seule heure, sans qu’il se manifeste un changement correspondant dans la clarté du jour ; il est permis de voir là l’effet de vapeurs imperceptibles à l’œil, car les observations horaires prouvent qu’une brume légère et à peine visible exerce déjà une très forte absorption sur les rayons chimiques[1]. Dans la grande majorité des cas, l’action chimique de l’atmosphère paraît suivre une marche concordante avec l’état des nuages qui passent au-devant du disque solaire.

Cet effet spécial des vapeurs aqueuses ou des vésicules d’eau liquide explique aussi les variations surprenantes que l’activité chimique de la lumière du jour éprouve dans les contrées tropicales. Les photographes s’en plaignent souvent : à Mexico par exemple, il faut parfois prolonger

  1. Ce fait est confirmé par les observations de M. Janssen, qui a trouvé que la vapeur d’eau est très transparente pour les rayons rouges et jaunes, mais qu’elle l’est très peu pour la lumière violette ; elle est rouge par transmission, bleue ou violette par réflexion.