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lumière zénithale avec celle que tout le ciel visible produit au centre d’une cloche percée d’une multitude de petits trous. Ce procédé laisse à désirer ; toutefois il peut donner une idée approximative du pouvoir chimique de la lumière du ciel. Il va sans dire que pendant ces expériences on écartait avec soin les rayons directs du soleil.

Pour étudier les lois générales de la répartition du pouvoir chimique dans l’atmosphère, il faut nécessairement choisir des jours d’une sérénité parfaite. Ces jours sont rares sous nos latitudes, on n’en compte que neuf ou dix en moyenne dans une année ; même à Rome, on n’en a guère que vingt et un par an, d’après le père Secchi. Il fallait donc guetter un de ces beaux jours si rares pour entreprendre les comparaisons dont nous avons parlé. Le 6 juin 1858 offrit enfin à nos deux chimistes l’occasion tant souhaitée de réaliser leurs projets. Avant l’aube, ils se transportèrent avec leur attirail d’instrumens au sommet du Gaisberg, petite montagne qui s’élève, près d’Heidelberg, à 372 mètres au-dessus de la mer et à une centaine de mètres au-dessus de l’eau du Neckar qui baigne le pied de cette colline boisée. Une tribune élevée de 40 mètres y domine les plus hauts arbres et commande un horizon libre de tous les côtés. Par une bonne brise venant de l’est, qui persista toute la journée, l’air avait ce jour-là une transparence si parfaite que la montagne du Hardt, qui est à plus de sept lieues, s’apercevait à l’œil nu avec une netteté assez grande pour qu’on pût en distinguer le relief principal. Depuis cinq heures du matin jusqu’à six heures du soir, on put prendre une série complète de mesures qui ont permis de déterminer l’activité chimique qu’une atmosphère pure exerce aux différentes heures du jour. Ainsi, au moment où le soleil touche à l’horizon, l’illumination chimique due à la voûte céleste équivaut à 30 centimètres d’acide chlorhydrique par minute. Cette quantité augmente à mesure que le soleil élève sa course. Vers l’époque des équinoxes et à l’heure de midi, on trouverait il mètres pour Paris et encore 2 mètres 30 pour l’île Melville, la terre la plus voisine du pôle. On peut se proposer de calculer la somme d’action qui est produite pendant la durée d’un jour entier. Cette somme équivaut, un jour d’équinoxe, à 1,174 mètres pour l’île Melville, à 2,128 mètres pour Paris, à 2,400 mètres au Caire. On suppose ici que l’air est parfaitement pur. Dès que le ciel commence à se voiler, l’activité chimique de la lumière atmosphérique subit des variations d’un caractère capricieux et irrégulier. Les nuages exercent une grande influence par la réverbération qu’ils produisent. Un léger voile de nuages blancs peut quadrupler l’action de la lumière diffuse, et la couche représentative d’acide monte alors avec une rapidité tumultueuse, comme une marée qui suit la course du nuage. D’un autre côté, les couches plus sombres de nuées d’orage et les brouillards épais absorbent une partie très notable du rayonnement chimique, et produisent un reflux subit dans la mer imaginaire. Ces résultats montrent que les nuages ne sont pas seulement des réservoirs d’humidité ; ils règlent encore, par la réflexion et par