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rôle de l’atmosphère. Elle agit encore comme un vaste écran interposé entre la terre et le soleil, elle retient et absorbe une partie des rayons que ce dernier nous envoie ; modérant ainsi l’ardeur et l’éclat primitifs de l’astre radieux, elle fait rebrousser chemin aux radiations calorifiques qui s’échappent du sol, et qui, sans cette barrière bienfaisante, iraient se perdre dans les espaces célestes. Les rayons solaires pris ensemble éprouvent dans l’atmosphère une absorption telle que la moitié environ est perdue en chemin, et cette perte se répartit entre les rayons visibles et les rayons obscurs. Le rayonnement du sol au contraire est exclusivement composé de, chaleur obscure ; il rencontre une résistance beaucoup plus grande de la part de l’atmosphère que celle qui s’oppose au passage de la chaleur lumineuse ; un dixième seulement du rayonnement terrestre traverse l’épais manteau protecteur que l’air forme autour du globe. C’est un effet comparable à celui de nos serres. Le soleil passe librement à travers les vitres et vient échauffer le terreau qu’elles recouvrent ; mais la chaleur que celui-ci rend par voie de rayonnement ne peut plus passer au dehors, parce qu’elle est obscure et que le verre est opaque pour la chaleur obscure ; elle est forcée de s’accumuler dans la serre. L’atmosphère produit donc le même effet que si toute la terre était vitrée, elle la transforme en serre ; le soleil y entre, mais il trouve la route barrée pour sortir. Voilà le rôle que l’atmosphère remplit vis-à-vis des rayons calorifiques. Quel est l’effet qu’elle a sur les rayons lumineux et sur les rayons chimiques obscurs ?

D’abord l’atmosphère absorbe ou éteint une partie de ces rayons, comme elle éteint une partie de la chaleur solaire. L’absorption croît rapidement à mesure que le soleil descend vers l’horizon, et que les rayons traversent une plus grande épaisseur d’air et des couches plus denses. Pour des rayons qui rasent le sol, la perte devient si grande que l’on peut Impunément regarder le soleil au moment du lever ou du coucher. Pour un soleil placé au zénith et qui darde ses rayons d’aplomb sur nos têtes, l’affaiblissement est très peu sensible ; les rayons traversent alors l’atmosphère dans le sens de la moindre épaisseur et font moins de chemin dans les couches basses, qui sont les plus denses et les plus humides. La perte n’est alors que d’un cinquième pour les rayons lumineux d’après Bouguer ; elle est égale au quart pour les rayons calorifiques d’après M. Pouillet, et à la moitié pour les rayons chimiques d’après M. Bunsen.

On pourrait à la rigueur calculer l’absorption que l’air exerce sur les différens rayons à toute heure du jour sous une latitude donnée, et en déduire l’intensité variable de ces rayons en tant qu’elle dépend de l’élévation du soleil ; mais l’air n’est pas seul à produire cet effet. Les quantités très variables de vapeur d’eau et d’eau liquide qu’il tient en suspension, les poussières solides qu’il charrie, les gaz qui s’y mêlent accidentellement, ont une très grande action sur la lumière qui les traverse. On voit que le problème se complique énormément lorsqu’on passe des abstractions mathématiques à la confuse réalité des choses. Nous ne connaissons que très