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actions chimiques. Y a-t-il aussi dans la vie animale des phénomènes qui dépendent d’une manière plus ou moins directe d’une influence instigatrice exercée par les rayons lumineux ? C’est une question encore fort obscure, mais qui est loin d’être sans intérêt. Le soleil hâle la peau et rougit le sang ; l’animal privé de lumière devient chlorotique comme la plante qui est élevée dans une cave. On peut dire que le soleil se peint dans la faune d’une contrée. Quelle différence de formes et de couleurs depuis les animaux des régions polaires, qui sont couleur de boue et de neige, jusqu’à la faune splendide des tropiques, où l’oiseau-mouche porte un plumage tissé de lumière !

En tout cas, la lumière a un pouvoir si grand sur l’ensemble des sensations morales que l’homme éprouve dans les zones diverses et même sur les manifestations de l’instinct animal, qu’elle doit, au moins indirectement, jouer un certain rôle dans le développement physique des êtres vivans. Voir le jour est synonyme de naître ; les ténèbres sont pour nous l’image de la mort.

Il faudrait donc, pour compléter les conditions climatériques, étudier la distribution et les effets chimiques de la lumière à la surface du globe, comme on recherche depuis si longtemps les lois d’après lesquelles s’y trouve distribuée la chaleur. Il faudrait observer la force du soleil, celle de la lumière disséminée dans l’atmosphère et réfléchie ou transmise par les nuages, déterminer les circonstances qui influent sur l’activité chimique des rayons solaires et les lois des variations qu’elle éprouve d’un lieu à l’autre et d’une saison à la suivante, enfin préciser la nature des fonctions que la lumière remplit dans l’enchaînement des phénomènes de la vie organique.


I

On sait que la lumière blanche se compose d’une infinité de rayons diversement colorés que l’on peut étaler en éventail en les faisant passer à travers un prisme. Ils forment alors cette charmante fantasmagorie qu’on appelle le spectre solaire. Au centre se massent les rayons visibles, se dégradant insensiblement du rouge au violet ; ils représentent toutes les nuances imaginables des six couleurs principales : rouge, orangé, jaune, vert, bleu et violet, se fondant les unes dans les autres par d’harmonieuses transitions. Ces rayons constituent la lumière proprement dite, celle qui affecte la rétine de l’œil ; cependant ils possèdent aussi des propriétés chimiques et calorifiques : les plus chauds sont les rayons rouges, les plus actifs lorsqu’il s’agit d’exciter des combinaisons chimiques sont les rayons violets, au moins dans beaucoup de circonstances, car il arrive aussi dans d’autres cas que ce sont les rayons compris entre l’orangé et le.vert. Au-delà de l’extrême limite du rouge s’étend le spectre de la chaleur obscure ; les rayons de cette catégorie n’affectent pas l’œil, et ne paraissent avoir