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LE
CHEVALIER GLUCK
A PROPOS DE LA REPRISE D’ALCESTE

Qui, connaît aujourd’hui l’Alceste de Lulli ? Hélas ! c’est déjà trop peut-être pour l’époque où nous vivons d’avoir à s’occuper de la tragédie musicale composée par Gluck sur ce sujet classique. Cependant si jamais, en inventoriant quelque bonne vieille bibliothèque, vous rencontrez d’aventure la partition de maître Lulli, si c’est surtout l’édition de luxe de 1708 qui vous tombe sous la main, je vous conseille de la parcourir ; elle en vaut la peine, surtout à cause de ses frontispices et de ses gravures, où se lit en caractères ébouriffans, — dressés à moitié nues en coiffures de cour, nymphes de l’Œil-de-Bœuf, Appollons emperruqués et jouant de la viole, — toute la solennelle boursouflure du vieil opéra français, frère naturel et légitime de la grande tragédie française.

Lulli, faut-il le dire ? musicalement, ne représente rien ou presque rien. Son nom n’a guère de sens que pour les philosophes. Et s’il n’existe en effet d’auteurs classique que celui chez lequel on peut apprendre quelque chose, l’idée certes ne saurait venir à personne de donner ce titrer à un écrivain dont le travail ne fut jamais bon qu’à montrer aux gens comment il ne faut pas faire. Lulli pourtant a son avantage, il sert à prouver la grandeur historique de Gluck. Qui n’a point feuilleté Lulli ne saurait estimer Gluck à sa valeur. Lulli ne chante pas, il récite, déclame. Point d’airs, de duos, de morceaux d’ensemble, mais une suite non interrompue de scènes cadencées, la tragédie mise en musique, plutôt