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l’autre, choquées l’une et l’autre de toutes parts à l’éther environnant, de cette situation même naîtra une tendance au rapprochement qui est connu sous le nom d’attraction ou de gravité. Contentons-nous pour le moment de cette indication sommaire qui se complétera par la suite. Elle suffit pour faire entrevoir dès maintenant comment l’éther est impondérable : si les deux molécules tendent à se rapprocher, c’est que leur présence rompt l’uniformité dés chocs éthérés précisément de la façon qu’il faut pour qu’elles soient poussées l’une vers l’autre. On ne trouvera rien de semblable si on considère l’éther lui-même dans ses mouvemens propres ; il se meut dans tous les sens, et rien n’apparaît qui puisse le pousser dans une direction plutôt que dans une autre. Ainsi ce fluide produit l’attraction matérielle sans y être soumis ; il donne la gravité aux corps, et il est impondérable !

Si donc on veut distinguer l’éther de la matière pondérable, il faudra, pour employer un terme juste, l’appeler matière impondérable. Que dans le langage courant on dise éther d’une part et matière de l’autre, soit : nous continuerons à le faire, comme nous l’avons fait déjà, pour abréger le discours ; mais nous aurons montré du moins ce que nous mettons sous ces mots et nous aurons prouvé qu’on doit admettre l’impondérabilité de l’éther sans songer à en faire pour ce fluide un titre d’immatérialité. Ajoutons même qu’il y aurait un réel avantagé à faire disparaître ce terme d’éther, qui risque de rester toujours entaché de mysticisme.

Nous avons représenter l’éther comme un ensemble d’atomes qui se choquent et rebondissent dans tous les sens. Ici une objection capitale se présente, et il faut que nous l’abordions. Comment rebondissent ces atomes ? Sont-ils donc élastiques ? L’idée d’atome et celle d’élasticité sont incompatibles. On comprend l’élasticité d’une molécule composée : les différentes parties de la molécule, choquées par un corps extérieur, se déplacent en se comprimant, puis reprennent leur position en rendant l’impulsion qu’elles ont reçue. Ce mécanisme suppose un vide à l’intérieur de la molécule ; mais l’atome est impénétrable, indivisible, il ne renferme pas de vide. Il y a là une sérieuse difficulté. Huyghens, il faut le dire, prêta aux atomes de l’éther une force élastique ; qu’entendait-il par là ? Il les regardait donc comme des corpuscules composés ? Mais alors la difficulté n’était que déplacée. Heureusement la mécanique est venue éclairer ce problème, et les belles recherches de Poinsot sur les corps tournans expliquent comment les atomes éthérés peuvent, sans être élastiques, rebondir les uns sur les autres. Il suffit, pour comprendre cet effet, de supposer qu’outre leur mouvement de translation ils possèdent un mouvement rotatoire.