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dernière question quand nous aurons montré que l’éther, tel que nous le concevons, n’a pas les propriétés fantastiques qu’on est parfois porté à lui prôner.

Nous nous figurons un gaz simple, l’oxygène par exemple, comme un ensemble de molécules élémentaires animées de mouvement, qui se choquent les unes les autres, d’où résulte la force expansive du gaz et la pression qu’il exerce sur les corps entre lesquels il est contenu. Cette notion pourra devenir plus nette quand nous chercherons à nous rendre compte de la constitution intérieure des corps en mettant à profit les idées généralement adoptées sur la nature de la chaleur ; mais dès maintenant nous pouvons l’accepter comme une sorte de conception primordiale dont notre esprit se montre satisfait avant d’avoir pour lui le témoignage de la science. C’est sous cette forme simple que nous nous représentons l’éther, et nous ajoutons que ses élémens sont des atomes, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être divisés. Si l’on nous objecte la difficulté de comprendre qu’ils soient réellement indivisibles, nous répondrons qu’il nous suffit de concevoir qu’ils se comportent comme tels, car nul n’a la prétention de pénétrer ni l’infiniment petit, ni l’infiniment grand. Les atomes de l’éther sont animés de mouvemens qu’ils se communiquent les uns aux autres et qu’ils communiquent aux corps environnans. Sont-ils donc immatériels ? Eh non ! certes. Deux propriétés constituent la matière, l’impénétrabilité et l’inertie. Les atomes éthérés sont impénétrables au premier chef, ils le sont par définition. Ils sont inertes aussi ; ils ont reçu les mouvemens dont ils sont animés, et ils ne les perdent qu’en les communiquant. Rien ne distingue donc l’éther de la matière, et quand nous le présentions dans les lignes, qui précèdent comme éveillant l’idée d’un milieu pour ainsi dire immatériel, nous faisions, on le comprend, une pure concession à certaines habitudes de langage. Notre éther est matériel, tout comme l’oxygène.

Mais il est impondérable ! Oui, et nous nous trouvons ici en face d’une explication vraiment délicate. Nous nous ferions mieux comprendre, si nous avions pu dès maintenant montrer avec quelque détail sous quel aspect se présente l’attraction universelle dans le nouvel ordre d’idées où nous sommes entrés ; mais c’est un point de vue que nous développerons seulement dans la suite de ce travail. Quelle que soit la forme sous laquelle on conçoive l’état intérieur d’une molécule ordinaire, qu’on la regarde comme une substance primordiale ou qu’on y voie une réunion d’atomes éthérés agrégés suivant des lois quelconques, il faut admettre que cette molécule a une masse beaucoup plus grande que chacun des atomes de l’éther. Cela posé, si deux molécules sont en présence l’une de