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chaleur latente de dilatation. Nous pourrons continuer à l’appeler latente, tout en voyant clairement qu’elle est employée à produire le travail mécanique de la dilatation. En étudiant les actions moléculaires, on a toujours distingué des forces attractives et des forces répulsives ; nous pourrons le faire, sans rien préjuger sur l’existence de ces forces. Quant au mot de force lui-même, nous le conservons, faute de mieux, dans notre vocabulaire. Chaque fois qu’un mouvement nous apparaît comme la continuation ou la transformation d’un autre mouvement, nous pouvons nous passer de l’idée de force, et nous devrions réserver cette notion pour les mouvemens dont l’origine nous demeure tout à fait cachée. Nous continuerons cependant, comme nous l’avons déjà fait dans les pages qui précèdent, à employer le mot de force dans son sens usuel. Nous parlerons sans scrupule de la force de gravité qui fait tomber une pierre et de la force de cohésion qui maintient un corps à l’état solide, tout en supposant que la chute de la pierre et la solidité du corps ne sont dues qu’aux mouvemens du milieu ambiant.

A vrai dire, l’inconvénient que nous signalons ici n’est pas nouveau, et ces difficultés de langage sont bien connues dans la physique. Comme dans chacune des parties de cette science on a fait successivement des hypothèses différentes pour grouper et coordonner les phénomènes, les physiciens ont appris dans une certaine mesure à se soustraire à l’empire des mots, à faire abstraction des idées qu’en réveille la signification commune ; ils savent voir les faits sous l’image conventionnelle que les mots en donnent. Toutefois l’explication dans laquelle nous venons d’entrer n’était pas inutile ; elle justifiera le désaccord qui se produira souvent sans doute entre les noms donnés aux phénomènes et notre manière de les apprécier.


III

On sait depuis bien longtemps que le son est l’effet d’une vibration des corps qui se propage soit à travers l’air, soit à travers un autre milieu. Les phénomènes acoustiques sont pour ainsi dire visibles à l’œil nu ; aussi la nature en a-t-elle été connue de bonne heure. Si l’on frotte à l’aide d’un archet une plaque de cuivre encastrée par un de ses côtés, l’œil perçoit les vibrations de la plaque. Si l’on présente à l’air ébranlé la membrane d’un tambour sur laquelle on a projeté du sable fin, l’agitation de ce sable trahit celle de l’air, et on en voit les grains, chassés des parties les plus agitées, se rassembler suivant les lignes où l’air et la membrane restent en repos. La vitesse de propagation du son est elle-même