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considérons un autre groupe de forces, la cohésion qui maintient les corps soit à l’état solide soit a l’état liquide, l’affinité chimique qui rapproche les molécules d’espèces différentes, la gravité enfin en vertu de laquelle les corps tendent à se mouvoir les uns vers les autres, la théorie nouvelle nous montre encore pu nous fait entrevoir comment le jeu de toutes ces forces se réduit à des communications de mouvement. Voici par exemple un morceau de plomb, dont les molécules adhèrent de manière à former un bloc solide. Je sais qu’en les chauffant, c’est-à-dire en leur communiquant une certaine sorte de mouvement, je détruirai la cohésion en vertu de laquelle ce bloc restait solide, et je l’amènerai à une cohésion différente, celle qui se rapporte à l’état liquide ; en chauffant plus fort, c’est-à-dire en augmentant la dose du mouvement communiqué, je détruirai même encore cette espèce de cohésion, et je réduirai le métal en vapeur. Cela ne fait-il pas soupçonner que la cohésion qui maintenait les molécules du plomb était un mouvement relatif de ces molécules ? Ce que nous détruisons par un mouvement devait être un mouvement. La cohésion, disons-nous, provient d’un mouvement relatif. Ne la voyons-nous pas en certains cas résulter simplement d’une vitesse commune imprimée à des molécules voisines ? Quand une veine liquide par exemple s’échappe d’un orifice sous une forte pression, n’affecte-t-elle pas une forme solide et n’a-t-elle pas une sorte de cohésion qui résulte de ce que les molécules d’une même tranche cheminent parallèlement d’un pas égal ? On ne prendra pas l’exemple familier que nous citons pour une démonstration des faits. En ce moment, nous ne cherchons pas à serrer de près les phénomènes ; nous nous efforçons seulement de montrer à quel point de vue se place la théorie nouvelle ; nous ne discutons pas ses énoncés, nous cherchons seulement à les faire entrevoir. Quant à l’affinité chimique, nous pouvons n’en dire ici qu’un mot, car son action sous beaucoup de rapports est comparable à celle de la cohésion, et elle n’est pas non plus sans analogie avec celle de la gravité. Lorsque dans certaines conditions des molécules d’oxygène et de carbone se trouvent en présence, elles se précipitent les unes sur les autres comme font des corps graves, et quand elles se sont combinées pour former de l’oxyde de carbone ou de l’acide carbonique, l’état stable où elles sont entrées peut être comparé à celui des corps planétaires qui roulent les uns autour des autres. Mais qu’est-ce alors que la gravité ? Qu’est-ce que cette force mystérieuse qui fait que deux corps s’attirent en proportion directe de leurs masses et en raison inverse de leur distance ? Deux corps s’attirent ! Alors, la matière n’est donc point inerte ! Ne semble-t-il pas qu’il y ait vraiment contradiction entre ces deux termes,