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nous avons voulu présenter à nos lecteurs cette importante- question de l’équivalence de la chaleur et du travail mécanique, nous avons pu leur indiquer deux excellentes leçons faites par M. Verdet, qu’une mort prématurée vient d’enlever à la science ; ces deux leçons, publiées dans les Mémoires de la Société chimique de Paris sous le nom d’Exposé de la théorie mécanique de la chaleur, contenaient sous une forme précise et substantielle tous les élémens de la question. En ce qui concerne la nouvelle façon d’envisager l’ensemble des forces physiques, un pareil guide nous manque, et nous en sommes réduit à désirer que quelque publication importante soit faite prochainement sur cette matière.

En 1864, le père Secchi, directeur de l’observatoire du Collège romain, a publié un intéressant volume, l’Unità delle forze fisiche, saggio di filosofia naturale. Le père Secchi a adopté avec chaleur l’idée que les forces physiques peuvent toutes être ramenées à un même principe. L’étude des phénomènes astronomiques lui a fourni les fondemens mêmes de cette opinion. En réfléchissant sur la force de gravité qui fait mouvoir les corps célestes, il s’est habitué à ne pas la regarder comme un principe élémentaire, mais à la rapporter à une cause d’ordre plus général dont elle ne serait qu’une conséquence. Son livre contient à ce sujet des indications neuves et des vues originales. Toutefois ce livre se présente surtout sous la forme d’un précis de physique ; il énonce ou rappelle sommairement tous les faits qui constituent aujourd’hui le bilan de la science ; il n’aborde qu’accidentellement et par intervalles les généralités que suggère l’ensemble de ces faits ; on n’y trouve pas exposée en son entier une théorie où les forces de la nature soient ramenées à l’unité.

Nous pourrions citer encore un livre plus ancien, celui que M. de Boucheporn a publié en 1853 sous le titre de Principe général de la philosophie naturelle. C’est un livre fait avec soin, avec amour, un de ces livres où un homme condense les pensées de sa vie entière. M. de Boucheporn entreprend avec hardiesse la synthèse des phénomènes physiques ; il ne recule devant aucune des difficultés de cette tâche ; c’est de front qu’il aborde tous les obstacles. Là est le mérite, là est aussi le défaut de son œuvre. M. de Boucheporn s’attache trop vite et trop complètement à des explications hasardées. C’est merveille de voir comme une conjecture devient pour lui une certitude dès qu’elle peut servir à rendre compte de quelques faits ; c’est merveille aussi de voir comme les faits deviennent souples entre ses mains et comme ils se prêtent d’eux-mêmes aux démonstrations qui leur sont demandées. Ajoutons qu’à l’époque où M. de Boucheporn publiait le Principe général de la philosophie naturelle, la nouvelle théorie de la chaleur n’avait pas encore pris